Révélé par Familia et Les Lundi au soleil, Fernando Leon de Aranoa se pose en objecteur social d’une Espagne en mutation. Soit du Ken Loach mâtiné d’Almodóvar, kit comprenant de la chaleur humaine, du réalisme sociétal, quelques métaphores toutes sèches (le portable sonne : le quotidien sordide revient au galop). Tout un programme pour pas grand-chose. Tout le film se résume à un titre (Princesas) et un sujet (la prostitution). Vous avez compris ce qu’il fallait comprendre : les putes sont les princesses des temps modernes. Tout aussi imparable, le scénario : histoire d’amitié entre deux professionnelles que le destin réunit alors que la société les opposent. La première fuit ses problèmes de famille en faisant le trottoir tandis que l’autre, clandestine venu de République Dominicaine, elle, n’a pas le choix.
Ce qui pourrait s’apparenter à un point de départ chez Cassavetes, ou les deux références citées plus avant, relève dans Princesas du statu quo. Incroyablement redondant, le film s’évertue à justifier la nature même de son scénario. Surenchère démonstrative qui édulcore très vite le propos. Non que l’on se désintéresse complètement des deux personnages, mais on assiste impuissant à un pilotage automatique qui ne tient qu’à sa force putassière. C’en est vraiment malaisant tant le spectateur a le choix entre cynisme cinéphile (anticiper les ouvertures de portes ouvertes) ou voyeurisme social pas si éloigné du Droit de savoir. Aranoa n’a aucune envie de dramaturge : le suspens est envoyé aux orties, seul compte une relecture sociologique superficielle, une petite balade au pays de la misère avec petit topo sur les marchands de sommeil, les tarifs, les associations et les clients dégénérés.
Encore une fois, l’ossature du film mène à l’impasse chronique : le réalisme est ici l’unique garant de l’intrigue (l’âme tragico-sociale de Princesas : la vie est dure pour les pauvres). Même la truculence est justifiée par le quota d’improbable qui régit toute vie ordinaire, comme cette prostituée qu’on croit mythomane mais qui dit la vérité au final, quart d’heure fantaisiste justifiant que dans la misère la plus noire, on se marre parfois. Du reste, le portrait de femmes, co-genre du film, se résume en une suite de preuves psychosociologiques : l’une est rattrapée par son passée au plus mauvais moment, l’autre se ramasse en croyant à l’impossible. A chaque situation sa batterie de séquences fondées sur le même schéma : le mutisme face au copain et à la famille, tabassage de la clandestine par un affreux flic présumé qui lui promet une régularisation.