Voilà quelques semaines, Sherlock Holmes nous rappelait combien un cinéaste de seconde zone pouvait être phagocyté par la machinerie hollywoodienne, dépassé par le système tout-puissant de la production, pour finalement accoucher de son film le plus abouti. Prince of Persia, c’est un peu l’autre bout du spectre, la combinaison cataclysmique d’un cinéaste dépassé, d’une équipe sans âme et d’un casting interchangeable. En clair : Jerry Bruckheimer n’est pas Joel Silver. Si les deux moguls ont su dénicher des réalisateurs devenus incontournables (Michael Bay, Tony Scott pour l’un ; McTiernan, les Wachoski pour l’autre), le ventre mou de leur production n’est pas comparable : quand le premier a systématiquement besoin d’un talent à la barre pour obtenir quelque chose (le contre-exemple Pirates des Caraïbes), le second sait y suppléer avec une équipe structurée. On vous laisse scruter leur filmo respective, mais leur dernière livraison vaut pour démonstration : quand Sherlock Holmes s’en sortait malgré Guy Ritchie, Prince of Persia s’enlise dans les sables du temps avec Mike Newell.
Après avoir consciencieusement ruiné l’Harry Potter le plus cinégénique de la saga (La Coupe de Feu), le cinéaste anglais poursuit sa petite entreprise de lamination mainstream avec cette fois une figure historique du jeu vidéo. Ici, sous couvert de légèreté, on se fout de tout, des enjeux comme de la mise en scène, mais en gonflant les pectoraux. Du cinéma-gonflette, en somme, où l’action va baudrucher et se ratatiner dans le même mouvement, victime de plans larges anémiés et d’un découpage au cimeterre. Pourtant, c’est moins le talent intrinsèque de Newell qui fait défaut ici que son incapacité manifeste à contrôler la logistique cyclopéenne de ce genre de machine de guerre. Livré à lui-même, donc au seul département marketing de Buena Vista, Prince of Persia ne semble conçu qu’en fonction du manège qui pourrait en découler (soit l’inverse de Pirates des Caraïbes). Jusqu’aux décors roboratifs mais sans patine qu’on soupçonne déjà recyclés dans un Disneyland quelconque. Autour ? Pas de chair, pas d’espace, juste une litanie de scènes sans liant, souffle, ni boussole, qui se délitent les unes derrière les autres. Mike Newell a inventé le blockbuster sablonneux.
Incapable de dépasser son horizon en PVC numérique, ce faux blockbuster nouveau riche, mais vrai nanar friqué, n’a simplement pas l’étoffe de son sujet (la fin du monde, tout ça). Quand le fameux Sable du temps aurait pu ouvrir sur un semblant de vertige, ou le sacrifice de certains personnages sur une larmiche d’émotion, tout est accueilli l’oeil vitreux, impassible (tout sauf Gemma Arterton : parfaite). Et encore : on vous laisse juge de la métaphaible sur les armes de destruction massive, ou du look Moundir approved de Jake Gyllenhaal. Sans pilote ni tuteur, erratique et mal branlé, Prince of Persia, c’est finalement l’application au blockbuster du bon vieil axiome fast-foodien : le rubicon esthétique qui séparera toujours le Big Mac du Giant, c’est la bague en carton.