On connaît le truc : un film réalisé par un autodidacte pour une somme dérisoire (7 000 dollars nous dit-on), tourné à l’arrache chez des amis, et bien sûr primé à Sundance. Ecrit, produit, tourné, éclairé, monté, interprété par Shane Carruth, qui en a aussi composé la musique, Primer a une bonne tête de film culte. C’est dire si l’on s’en méfie, comme il faut se méfier des films vendus sur la seule petite légende de leur fabrication. Primer est cependant un petit film qui vaut le coup d’œil, surtout pour qui aime les casse-tête de matheux. D’ailleurs c’est simple : on n’a rien compris.
On sait juste que le film met en scène quatre jeunes ingénieurs (chemises blanches, cravates) qui occupent leurs week-ends et leurs bas de laine à bidouiller des machines dans un garage, dans le but de se faire de l’argent en vendant un brevet. Deux d’entre eux se concentrent sur un dispositif permettant de réduire la masse d’un objet. Peu à peu, ils réalisent que leur machine non seulement réduit la masse, mais actionne la variable temps, autrement dit si vous y introduisez une montre, elle ressortira avec une minute de retard. Grande est la tentation, avec une découverte pareille, de la tester sur soi et de se promener dans le temps. Les deux gars construisent un prototype à taille humaine, espérant pouvoir reculer dans le temps pour boursicoter, mais bien vite, ils se confrontent aux paradoxes temporels et autres joyeusetés, car revenir dans le passé, c’est risquer de se croiser une heure plus tôt.
La scène où les apprentis sorciers découvrent l’existence des sortes de doppelgänger qui contrecarrent leurs projets est saisissante. Mais à ce moment-là, le récit devient si compliqué que, après un quart d’heure de lutte avec son cerveau, on finit par renoncer, même si, heureusement, le film est court (1h17). Arrivé au bout du métrage, rien n’est clair : qui est l’original, qui est la photocopie, qui raconte l’histoire : mystère et boule de gomme. Il faudrait plusieurs visions pour démêler tout ça, mais le film n’en mérite peut-être pas tant. Reste le plaisir de se perdre dans le charabia jargonneux qui constitue l’essentiel des sibyllins dialogues, et dans des embrouilles de nerds, genre Pi de Darren Aronofsky, qui était sans doute plus réussi, mais donnait dans le sous-genre toujours agaçant de l’indy post-Eraserhead.