Un cadre parfumeur, célibataire endurci, achète les services de la sœur d’un collègue pour calmer sa famille qui veut le marier à tout prix. Un pitch résumable sur l’affiche, un casting branchouille et populaire à la fois, des bons mots, Prête-toi ta main est un film qui doit marcher, pétri de saines intentions marketing. 1) Importer la comédie romantique anglaise. 2) Faire un film d’acteurs. 3) Flatter le public visé, trentenaires urbains nourris à la culture pop en général et Canal Plus en particulier. Acteur, scénariste et producteur Alain Chabat s’est mis sérieusement au travail. Son film se voit comme un exemple-type de la nouvelle vague de l’industrie française, qui d’Indigènes en Poltergay ou OSS 117 tient dans un premier temps à démontrer son potentiel plutôt qu’à l’exploiter pleinement.
Une posture qui rend le film aussi rassurant que légèrement pénible. Rassurant pour son sérieux, sa modestie claironnée. Rigueur de l’écriture, acteurs parfaits et parfaitement à leur place, Prête-moi ta main est paré à toutes les éventualités. Le mérite en revient à la non griffe du réalisateur Eric Lartigau, connu jusqu’alors pour son rôle de porteur d’eau de Kad et Olivier. Il s’affirme comme l’un des tous premiers faiseurs de ce néo-système, cherchant l’unité dramatique et surtout un esprit contemporain dégraissé de toutes dérives formalistes. Cette neutralité fait du bien : ici pas d’exhumation du caveau humoristique pré soixante-huitard à la Onteniente ni de clins d’oeil de gros malins prêt à tout exploser (Youn & Co.), mais une volonté de filmer la scène pour la scène, de conter les histoires et les personnages par l’effacement.
L’ennuyeux c’est le paradoxe entre l’exemplarité d’un tel film et sa simplicité affichée. Non qu’il soit prétentieux mais légèrement flippé, affecté malgré lui par le no man’s land du genre. On relève donc un manque d’assurance dans la nature même du projet, fébrilité se traduisant par une surdose de boost sociologique, comme s’il fallait à tout prix caractériser les personnages à l’extrême et les garnir de fantaisie pour leur garantir une drôlerie. Chabat par exemple, décrit comme un sujet jouissivement anonyme exerce la profession de nez, gadget narratif absolu (et qui « romantise » la figure du cadre friqué) ne générant qu’un seul gag sur 1heure 30. Plus grave encore, sa vie de famille, sublimation de l’exception culturelle française avec ses guirlandes de sœurs vachardes, l’emblème du père républicain et la mère couillue, donne au film un rythme contradictoire, en marche forcée. Entre Hugh Grant et Benjamin Biolay, Chabat hésite encore. Dommage.