Aucun critique n’aurait vraiment misé sur le nouveau film de Cameron Crowe, médiocre réalisateur de Jerry Maguire et du gentillet Singles estampillé « grunge » à sa sortie. Pourtant, Presque célèbre est une comédie plutôt réjouissante dans laquelle le cinéaste fait preuve d’un savoir-faire qu’on ne lui connaissait pas. L’implication de Crowe dans ce projet dont il a aussi écrit le scénario explique peut-être cette soudaine hausse qualitative. Largement autobiographique, Presque célèbre évoque à travers son héros William Miller, un jeune adolescent fan de rock, les premiers pas de Crowe dans le milieu de la presse musicale. Journaliste à 16 ans pour Rolling Stone, le cinéaste a longtemps dressé le portrait des groupes les plus populaires des années 70 pour la mythique revue. Une expérience épique dont il nous livre les prémices dans ce film.
Presque célèbre ne se contente pas de surfer sur la vague de nostalgie qui submerge en ce moment les années 70 et 80. A l’instar du Velvet Goldmine de Todd Haynes, dont l’ambition n’était pas d’être une simple résurrection de la période glam, le film de Crowe évoque la mystérieuse relation qui lie le fan et la star du rock. Sur un mode fantasmatique et mélancolique pour Haynes, résolument comique pour Crowe. A ce titre, Penny Lane (interprétée par la lumineuse Kate Hudson) est sans doute le personnage le plus attachant du film. Contrairement à l’affiche qui nous présente une jeune fille en sous-vêtements qui nous fixe langoureusement (décidément les grosses boîtes de distribution ne reculent devant rien, pas même le contresens, pour vendre leur produit), Penny Lane n’aspire pas à la célébrité. C’est une groupie, une de ces séduisantes créatures que l’on voit traîner backstage et à laquelle Crowe redonne ses lettres de noblesse. Loin d’être un pitoyable « coup » d’après concert, Penny Lane est une vraie « fan » sincèrement attachée au groupe. Car ce qui semble unir l’entourage de Stillwater, en passe de devenir les nouveaux Pink Floyd ou Led Zep du moment, c’est avant tout l’amour de la musique. Un amour sérieusement mis à mal par l’attrait du show business.
Bien sûr, les anecdotes que nous raconte le réalisateur sont souvent tirées de l’imaginaire commun lié au « grand show » du rock’n’roll (les rivalités intestines au sein du groupe, les hordes de fans, le producteur du début remplacé par un pro), mais la verve que met Crowe dans la description de ce petit monde en fait toute la valeur. Presque célèbre décline tous ces clichés sur un mode ludique et léger qui fonctionne la plupart du temps sur l’habileté du cinéaste à mettre en place des situations à l’humour imparable. Un postulat efficace pour ce film qui remplit amplement sa mission : nous divertir sans nous abrutir. C’est assez rare pour être apprécié…