Sans être réellement mauvais, le premier long métrage de Katia Lewkowicz ne sera pas, comme semblait le promettre son affiche, le lieu de l’avènement de l’acteur Benjamin Biolay. Que l’on apprécie ou non le chanteur, force est de reconnaître qu’en matière de jeu, il lui reste encore tout à prouver, tant il peine ici à prendre corps, s’affirmer comme point d’ancrage d’une scène, en raison d’une passivité certes intrigante au départ, mais confinant assez vite à une vraie mollesse. Or l’incertitude, sentimentale et sociale, supposée définir son personnage – passer ou non le cap du mariage, se conformer enfin aux attentes de son entourage – s’incarne très difficilement par la seule passivité : manquent une nervosité, une ébullition même modérées capables d’aider à relever par les états du corps, sur les expressions du visage, le travail du doute, le risque constant de la bifurcation.
Dépassé par l’enthousiasme des autres, Arnaud, trentenaire nonchalant, manque du temps et de l’espace nécessaires au futur marié pour se poser les « vraies » questions, celles qui seraient susceptibles de dessiner son destin pour de bon ; et c’est précisément cet étouffement (mère, sœur, future belle-famille, amis, préparatifs, etc.) qui est supposé sur le papier déclencher l’appel d’air, l’infidélité, l’incertitude à quelques heures de dire « oui ». Si le film a une qualité, c’est au moins celle d’accorder même furtivement à son personnage et à son acteur une poignée de scènes valant comme zones de respiration (pour lui comme pour nous). C’est alors dans la réduction des effectifs, le resserrement des plans autour des seuls rapports d’Arnaud avec les femmes que Lewkowicz parvient bon an mal an à dépasser le stade de la petite comédie française de plus (se démarquant cette fois à peine par l’élection d’une communauté – juive – s’offrant essentiellement par son folklore, la sur-caractérisation bienheureuse de ses principaux membres).
Il serait assez tentant, au vu de certains détails tels que l’écart capillaire entre les deux femmes occupant le cœur et l’esprit d’Arnaud (brune côté Donzelli, l’officielle ; blonde côté Sarah Adler, l’autre), ou l’enfermement du trentenaire dans un cercle familial plus fort que lui de voir en Pourquoi tu pleures une sorte de remake timide du Two lovers de James Gray, à ce jour encore chef-d’œuvre sans rival du film d’amour moderne. A ceci près que là où l’Américain aura su nouer la quasi totalité de sa fiction autour de l’illusion d’un choix encore possible pour son héros, son homologue hexagonal, malgré la régulière bascule de Biolay de l’ancrage communautaire au désir d’émancipation, ne parvient presque jamais à excéder l’esquisse du faux fuyant, rêvant sans trop y croire d’une possible cinégénie des lignes de fuite.