Pour un garçon s’inscrit dans la tradition d’un cinéma acidulé et post-adolescent qui, ces derniers temps, n’a vu fleurir qu’une seule authentique réussite (High fidelity de Stephen Frears). Si le film des frères Weitz a l’avantage de prendre lui aussi pour matériau de base un roman de Nick Hornby (About a boy), sa qualité vient surtout de composantes auxquelles l’école Bridget Jones ne nous avait guère habitués : interprétation jubilatoire, réalisation haut de gamme, et surtout une façon assez singulière de louvoyer entre fausse niaiserie et ironie au rasoir. A partir d’un argument sans originalité (Will, un trentenaire branché et célibataire, voit sa vie de pacha bouleversée par l’intrusion d’un gamin appelé Marcus), Pour un garçon déplie une suite de situations extrêmement réussies.
Le comique du film relève d’un cynisme très compulsif, agissant par petits à-coups et courts-circuits (le dialogue intérieur de Will) qui dynamitent peu à peu le mouvement sirupeux du récit. Sans atteindre des sommets, Pour un garçon parvient ainsi à jouer sur plusieurs niveaux de narration, s’appuyant sur une base dramatique solide qui, à chaque fois qu’elle menace de s’enfoncer dans le grotesque (la scène de concert où Marcus se ridiculise avant d’être sauvé par l’intrusion de Will), s’en remet à un humour à froid quasi-nonsensique (Will voulant en faire trop, qui se ridiculise à son tour). Ce principe d’auto-dérision tient en grande partie sur l’interprétation prodigieuse de Hugh Grant, qui trouve dans ce rôle distancié la meilleure composition de sa médiocre filmographie. Le choix des frères Weitz (American pie) à la réalisation est l’autre point fort du film. Glamour et sèche à la fois, toujours élégante, la mise en scène du film parvient à jouer sur le fil d’un académisme bon teint tout en trouvant matière à s’illuminer quand il le faut (en gros, quand l’émotion doit naître).
Pour un garçon doit évidemment beaucoup à la qualité du roman de Hornby, à cet état de nonchalance vigoureuse qui caractérise ses dialogues et son sens inné du gag venu de nulle part, mais dans le genre adaptation efficace et réussie d’un courant à la mode (la sitcom Canal Jimmy), les exemples sont suffisamment rares pour qu’on ne boude pas notre plaisir à leur vision.