Dans la galerie des scénaristes improvisés metteurs en scène, Peter Hedges ne fait pas mauvaise figure. En adaptant le roman de Nick Hornby, Pour un garçon, il avait trouvé chez les frères Weitz, réalisateurs du film en 2001, matière à imposer un ton savoureusement caustique et décalé. Fidèle à cet esprit mordant, le cinéaste-scénariste va jusqu’à s’autoplagier dans Pieces of April, où la scène de l’enterrement religieux d’un écureuil écrasé fait directement écho à la mort du canard de Pour un garçon et à la discussion métaphysique hilarante qui s’ensuivait. C’est dans ces séquences minuscules et totalement absurdes, filmées avec une distance cruelle, que le réalisateur impose discrètement son impertinence.
Fort de ses succès antérieurs, Hedges s’est assuré d’un scénario taillé sur mesure. Autour d’une banale histoire de Thanksgiving mis en péril par un four cassé bourdonnent une multitude de petits personnages, source de séquences réjouissantes et de réparties piquantes. April, jeune new-yorkaise au look grunge, complètement dépassée par l’énorme dinde qu’il lui échoit de cuire, attend ses parents, embarqués dans un road-movie semé d’embûches et peu pressés de rejoindre celle qu’ils considèrent comme la honte de la famille. Cette bande de fous furieux imbibés d’un christianisme hypocrite est loin d’imaginer que, pour leur préparer un repas décent, leur fille est prête à affronter le melting-pot de son immeuble crasseux : blacks, Asiatiques, catholiques, Mexicains, pervers, tous plus déjantés les uns que les autres.
L’erreur du cinéaste est d’avoir voulu donner un sens à ces petites « pièces », filmées à travers une DV nourrie au symbolisme bêtifiant de la vidéo de famille. Car, bien sûr, derrière le masque de la traditionnelle fête, il y a la réconciliation impossible mais attendue entre April et sa mère, atteinte d’un cancer du sein et mourante. Ce qui s’annonçait comme un film à sketches décapant vire alors à la fable banale, déjà vue mille fois, sur le pardon et la rédemption. Pour le cynisme, on repassera.