Peut-être, nouveau long métrage de Cédric Klapisch, oscille entre trois pôles : une satire sociale souvent drôle, une fable plutôt caricaturale et des moments de farce grossière. Mais malgré le caractère très inégal du film, on rit beaucoup…
La première demi-heure de Peut-être est la plus réussie : elle ne comprend ni effets spéciaux, ni décors mirobolants, mais traite tout simplement de notre rapport à l’imaginaire de l’an 2000. L’excellente série de films « 2000 vu par… » (The Hole de Tsai-Ming-Liang, La Vie sur terrede Abderamane Sissako), dont Arte a diffusé les 10 volets début 1999, restait à l’écart du courant médiatico-consumériste accompagnant l’Evénement. Le film de Cédric Klapisch, par contre, tout en utilisant une même contrainte temporelle que la série (la nuit du 31 décembre 99) n’en fait pas l’économie. Arthur (Romain Duris) et Lucie (Géraldine Pailhas) se rendent à un réveillon déguisé ayant pour thème le futur. Dans cette fête se confrontent l’imaginaire traditionnel suscité par l’an 2000 (casques de martiens, antennes sur la tête) et le pseudo futurisme branché actuel (tenues argentés, paillettes sur le visage, baskets fluo…). En plongeant ces personnages dans cet univers artificiel, Klapisch stigmatise le ridicule du futurisme à tous crins. Puisque les représentations de l’an 2000 sont par nature imaginées dans le contexte donné d’une époque révolue (voir, par exemple, l’affiche des Champs de la sculpture 2000 dégoulinante de couleurs psyché très seventies), elles condamnent aujourd’hui « l’an 2000 » à n’avoir qu’une iconographie « rétro ». Le comble pour une date censée signifier l’avenir ! « C’est l’an 2000 ! C’est l’an 2000 ! C’est l’an 2000 ! ». Les convives ont beau crier, l’an 2000 tombe comme l’œuf que se fait cuire Arthur au début du film : à plat.
Commence alors le deuxième temps de Peut-être, celui de la fable mêlée de farce. Suite à un « accident », Arthur se trouve transporté plus d’un demi-siècle plus tard pour rencontrer le fils (Jean-Paul Belmondo) qu’il aurait eu s’il n’avait pas été interrompu en plein coït. Ayant rejeté un avenir « futuriste », Klapisch choisit de donner à son Paris des années 2070 l’aspect d’une ville saharienne. Mais en ensablant des immeubles Haussmaniens jusqu’au dernier étage, il enfle le budget de son film sans pour autant véritablement convaincre. Aucune élaboration logique ne se dégage de cette évocation composée d’un bric-à-brac de références mi-plagiaires, mi-parodiques : le sperme de Duris atterrit sur l’épaule d’une fille qui entre dans la pièce où il fait l’amour avec Lucie (comme dans Mary à tout prix), les bras et les jambes de ses enfants virtuels disparaissent (comme dans Retour vers le futur), les habitants des années 2070 sont vêtus d’amples vêtements de toile nouée (comme dans La Belle verte)…
Cependant, ce manque de rigueur du scénario n’est pas le point le plus faible du film. Là où Klapisch se fourvoie vraiment, c’est quand il s’essaie à un discours moraliste pour convaincre le spectateur, via Arthur, de la nécessité de faire des enfants même si le monde est cruel, même si le chômage est incontournable, même si les salaires n’augmentent plus, même si le trou dans la couche d’ozone entraîne un réchauffement de la planète et « peut-être » l’ensablement de Paris au cours du prochain siècle…
Heureusement, pour sauver Peut-être, Romain Duris et Jean-Paul Belmondo forment contre toute attente un assez beau couple inversé père-fils, donnant lieu à quelques scènes hilarantes qui ramènent le film sur le terrain qu’il n’aurait jamais dû quitter, celui de l’humour.