Après nous avoir gratifiés de nauséabonds pensums réactionnaires (Chute libre, 8 mm), Joel Schumacher tente de se racheter une conduite en lorgnant du côté des marginaux. Walt (Robert De Niro), un policier macho ultra-conservateur (serait-ce un autoportrait ?) se retrouve presque entièrement paralysé à la suite d’une attaque. Pour apprendre de nouveau à parler, il va être obligé de prendre des leçons de chant auprès de son voisin Rusty (Philip Seymour Hoffman), un travesti. Réputé pour ne vraiment pas faire dans la dentelle, le réalisateur se frotte donc au froufrou des travestis qui sont ici au mieux purement décoratifs et au pire tout simplement tournés en ridicule.
Une fois l’argument de départ installé, le film emprunte le parcours classique d’une acceptation mutuelle de l’autre, de sa différence. On se déteste, on finit par se comprendre, l’intolérance reprend le dessus un moment et bien évidemment l’amitié finit par triompher. Un chemin plus que balisé qui repose entièrement sur les rôles performances des deux interprètes. Le film donne la désagréable impression qu’une véritable compétition s’instaure entre eux, chacun cherchant à épater l’autre : « Admire ce subtil tremblement de ma bouche lorsque je tente de m’exprimer, mais non regarde plutôt ce frémissement de paupières ô combien révélateur des souffrances de cette femme prisonnière dans un corps d’homme ! » On l’aura compris, la leçon de tolérance selon J. Schumacher n’est que prétexte à performance d’acteurs « oscarisables ».
A l’image de Robert De Niro dans son fauteuil roulant, le réalisateur n’a qu’une envie c’est d’en sortir, d’échapper à des sentiments qui lui sont totalement étrangers et colle donc artificiellement au récit une sombre histoire de truands. Entre deux cours de chant sont donc insérées des scènes où des malfrats sont à la recherche d’un magot qui leur a été volé. Chassez le naturel, il revient au galop ; le film se terminera par une exaltation du courage individuel qui ne peut s’exprimer que par la violence et le meurtre.