Après le sympathique Jet set, Ontoniente remet les couverts : un maître de l’événementiel (Rupert Everett), trahi par un concurrent (Eli Semoun), part à Ibiza pour infiltrer la new jet set. Il rencontre alors John-John (José Garcia), reine de l’île, et tente de le mettre dans sa poche. People n’est pas une bombe, loin s’en faut, mais parvient à transformer l’essai sans trop forcer. La raison en est simple, presque trop d’ailleurs : de film en film, Ontoniente parfait son style minimal, sans aucune esbroufe, et évolue vers une sorte de classicisme comique humble et revigorant. Il réalise, même lorsqu’il s’attaque aux arcanes sordides du football dans 3 zéros, des films éminemment gentils. Dès les premières séquences, l’attention portée à chaque détail, la croyance dans un récit à l’ancienne permettent de capter la sympathie du spectateur.
Et pourtant, tout ici aurait pu virer à la caricature cynique et détestable : homosexualité (Garcia en reine de la nuit), dérision fastoche, clins d’oeil complaisants (Ibiza comme grand supermarché sexuel post-soixante-huitard) sont traités avec une bonhomie et une fraîcheur bien prégnantes. Deux raisons à cela. D’abord, si Ontoniente enfonce des portes ouvertes, il le fait avec une naïveté qui échappe à la logique du pur lieu commun. L’arrivée à Ibiza, avec ses bouddhistes détraqués, ses gigolos anabolisés, ses caricatures (Ornella Muti en bimbo sur le retour), tend moins à ridiculiser ce petit monde ou à en dévoiler l’aspect pathétique qu’à le transformer en petit cirque baroque et coloré, un simple décor festif où enraciner le récit. Le récit, justement : c’est la seconde force du film, une foi peu commune dans des ressources simples et épurées. Ici, le duel à distance entre Everett, prince déchu de la jet set, et Semoun, petit nabot agressif et ridicule. Loin d’être la seule base du film, cette opposition est traitée avec une efficacité hilarante, et demeure l’emblème de ce petit cinéma plus consistant qu’il y paraît, jusque dans ses détails les plus insignifiants.
S’il est assez poussif dès qu’il tente de pousser les gags un peu plus loin (la transformation d’une armée de mafieux russes en danseurs de Village People sous l’effet des pilules d’amour de John-John), le film retombe toujours sur ses pieds : intrigue bien huilée, fondations solides, interprétation haut-de-gamme. Sans surprise, Garcia emporte le morceau sans trop forcer non plus, tout à l’image de ce People honnête et finalement très modeste. C’est que, s’il effleure le côté bête de scène et performance d’un Poelvoorde, Garcia demeure, plus qu’un freak « bigger than life » portant tout le film sur ses épaules, un rouage de plus dans la petite machinerie mise en place par Ontoniente. Alors que la comédie française continue de se chercher en partant dans tous les sens, People est le symbole relativement précieux d’une continuité : dans les ruines de l’humour à la française, et à condition de croire dans des vertus très simples (la réalisation bien carrée de l’ensemble notamment), tout demeure encore possible.