Le final de Rock avait déjà laissé transparaître, au milieu d’une nullité confondante, un certain goût militariste chez Michael Bay. Pearl Harbor vient le confirmer avec fracas. La guerre, c’est beau. Les galonnés ne sont que de braves petits soldats qui ont réussi, nostalgiques de leur passé baroudeur, très attachés à leurs gars. (Voir pour le croire le colonel Doolittle, interprété par Alec Baldwin et ses tirades du style : « Non, rien n’est plus beau que le cœur d’un volontaire »). Et le pire, c’est que Bay n’assume même pas. Après une plate poursuite aérienne, le réalisateur s’appesantit sur les carnages du bombardement surprise nippon : on entend des cris et des larmes noyés dans une musique sirupeuse insupportable ; on voit des cadavres et des blessés, futurs macchabées ou handicapés, perdus dans une image floue à vous faire regretter les films de David Hamilton. Il faut bien évoquer deux secondes l’horreur de la guerre, la tragédie humaine, mais après, promis, on retourne dare-dare casser du jaune. Sans se poser trop de questions.
Le rouleau compresseur Pearl Harbor avance ainsi, sûr de lui et de ses effets, convaincu de son efficacité. Michael Bay en fait des tonnes, comme d’habitude. Pas un plan qui ne dure plus de cinq secondes, pas une séquence sans ses trois cents angles de vue ; ce non-montage (que l’on doit à trois personnes !) est harassant, assommant, et ne parvient jamais à donner un tant soit peu de tonicité à la mise en scène. Malgré sa rapidité, le tout est d’une mollesse abrutissante. De ce délire patriotique débilitant, on ne sauvera que trois choses : cinq minutes de l’attaque sur Pearl Harbor, le temps de se laisser impressionner par la reconstitution virtuelle ; les Japonais qui parlent dans leur propre langue, et qui ne baragouinent pas un anglais aux consonances nippones (chose assez rare, dans les blockbusters hollywoodiens) et, enfin, le délicieux minois de la jolie Kate Beckinsale. Triste bilan quand même.