Pauline est une attardée mentale de 65 ans. Sa soeur Paulette est une vieille boutiquière ronchon, hypocrite et imbuvable. Son autre soeur, Cécile, n’en a strictement rien à faire d’elle. Cécile vit à la ville avec un beauf encore plus insupportable que Paulette. Lorsque Martha, la seule personne qui s’occupe de Paulette, meurt, elle laisse un testament imparable : pour toucher son fabuleux héritage (une maison de Schtroumpf lugubre et deux ou trois kopecks), l’une des deux autres soeurs -Paulette ou Cécile- devra prendre en charge la Pauline.
Sur ce canevas des plus cyniques, Pauline et Paulette joue la carte de la fable misérabiliste flamande : une galerie de personnages vomitifs peinant à se muer au milieu de décors déprimants et pathétiques. On ne peut retirer à Debrauwer un certain talent par l’inverse. Au lieu d’embellir une réalité présentée de facto comme sinistre, il enfonce le clou, sur-joue l’horreur (l’atroce boutique de poupées de Paulette), multiplie les détails qui tuent : Pauline boit un verre d’eau en faisant des gargouillis dignes d’une bande-son expérimentale ; plus tard, elle tartine des biscottes à la manière d’un primate maladif. Les séquences s’éternisent, flottent comme d’insupportables témoignages d’un univers mortifère et désaffecté. Il y a beaucoup de l’esthétique Strip-tease ici, mais de manière forcée et poussée aux limites de la parodie de film d’épouvante. Ce réel truqué, cette volonté de dire la laideur du monde par la laideur des procédés employés (il faut savoir que Pauline est interprétée par une comédienne à la base tout à fait normale, soit l’exacte opposé du Huitième jour de Jaco van Dormael où un trisomique joue la normalité) ont quelque chose de profondément nauséabonds. La fascination complaisante avec laquelle Debrauwer filme ces instants de misère donne à Pauline et Paulette des allures de mauvais sketch des Inconnus ou des Nuls. Sans l’humour ou le second degré corrosif qui pouvait rendre jubilatoires Les Portes de la gloire ou Le Vélo de Ghislain Lambert, sans cette incompressible poésie surréaliste qui rendait sympathique ou tout au moins supportable un film aussi niais que Les Convoyeurs attendent, Pauline et Paulette ne trouve que le malaise et le vide.
Le nul, le rien, l’insipide gouvernent chaque plan du film et renvoient à la longue et pénible série de films mongolos obsédés par les tares et les monstruosités en tous genre ; descendants illégitimes de Freaks où se mêlent, en d’obscures configurations congénitales, le pire (T’aime de Patrick Sébastien, Lovers et Being light de Jean-Marc Barr) et le plus pire que le pire : une grande foire à la débilité et à la bêtise contente d’elle-même.