Pourquoi cette parabole vous semble-t-elle la plus importante ?
PV : Parce que l’on est plus loin que jamais de cette idée. Le seul, dans le paysage politique actuel qui a pu s’en approcher, c’est Obama, lorsqu’il a tenté un rapprochement au Caire. Il y a de nouveau urgence à promouvoir, comme l’avait fait Pasolini, cette parole qui, prise au sérieux a pu à ce point heurter le pouvoir en place.
C’est donc la parole qui reste primordiale pour vous ?
PV : De fait, on ne saurait comprendre le personnage de Jésus si l’on ne tient pas compte de ce qu’il croyait, très profondément. Pour lui, les mots avaient le pouvoir de guérir. Et c’étaient de vraies guérisons, ça je le crois, que ses mots aient pu venir à bout d’une affection physique me paraît très probable. C’est là-dessus que Jésus a assis d’abord son influence, puis sa réputation.
Comment commenceriez vous ?
PV : Par l’insurrection qui a suivi la mort d’Hérode, 4 ans avant J-C. L’histoire de Jésus est inséparable de ce grand mouvement de révolte. Je commencerais sans doute par montrer un crucifié, puis deux, puis trois, puis à mesure que le plan s’élargit, des dizaines. C’est ainsi que les Romains punissaient le plus souvent la sédition. Dans ce climat de guerre permanente, l’hypothèse la plus probable, concernant la conception de Jésus, c’est qu’il ait été le produit d’un viol. Voilà pour le début.
Concernant la conception de Jésus, l’hypothèse la plus probable est qu’il ait été le produit d’un viol.
Que montreriez-vous alors du contexte historique ?
PV : Avant tout la collaboration entre les Juifs et l’Empire romain, à travers les figures particulières d’Hérode Antipas (le roi de Judée, NDLR) et de Caïphe (le grand prêtre qui a condamné Jésus par contumace, NDLR). S’il faut faire un parallèle, l’exemple qui me vient le plus facilement serait Vichy. Et puis bien sûr montrer la cruauté romaine, en quoi, par exemple, Pilate n’avait vraiment rien d’un nice guy…
Vous pensez à un acteur en particulier pour incarner Jésus ?
PV : Non, car tout dépendra de ce qui est possible, si je fais le film en français ou en anglais.
Evidemment, il vous serait très difficile d’en faire un film américain…
PV : Impossible. Trop dangereux. Cela ne peut se faire qu’en Europe. Après, tout est une question d’adaptation. Je ferai quelque chose de spectaculaire si je peux le faire, avec un budget raisonnable. En même temps, Pasolini a fait beaucoup avec très peu, c’est le film que je trouve le plus réaliste à propos de Jésus. Mon préféré avec La Vie de Brian, qui est une blague mais n’en est pas moins, je trouve, porté par un vrai souci historique…
Pour finir, où en êtes-vous du tournage de Elle ?
PV : J’ai fini avant-hier ! C’était un tournage difficile, mais je peux vous dire une chose : de toutes les actrices avec lesquelles j’ai travaillé, Isabelle Huppert est celle qui m’a le plus donné. Elle est vraiment ouverte à tout, c’est impressionnant. Et je crois qu’il s’agira peut-être de mon film le plus subversif…
Paul Verhoeven – Jésus de Nazareth – Aux Forges de Vulcain