Déception, pour qui se faisait une joie de retrouver ici au générique le nom de Gregg Mottola, après Supergrave et Adventureland : avec Paul, s’étend surtout le terrain de jeu du duo britannique formé par Simon Pegg et Nick Frost, autrement dit un terrain nettement moins délicat, un terrain plus vain et usant, surtout. C’est le programme de Shaun of the dead et de Hot fuzz qui se continue, et qui reste affaire de parodie gentille, de clins d’œil potaches empilés sur l’autel d’une sorte de cathédrale de la culture geek – en résumé : le genre revu par ses fans, la belle affaire. Après les zombies et les cops, nouveau dossier pour la paire, en l’espèce des petits hommes verts tels que le cinéma américain en fit le portrait, de Star Trek en Rencontres du troisième type. Deux Anglais biberonnés à l’heroïc fantasy entament au Comic Con (fameuse communion annuelle pour l’Internationale geek, gentiment croquée par le film) un tour d’Amérique sur la piste des UFOS, et puis, en route, rencontrent Paul. Paul, c’est le troisième type, donc, mais c’est aussi un type comme les autres : un E.T. sympa et plein de répartie, échoué au Nouveau-Mexique voilà soixante ans, martien clandestin et éminence grise, depuis son atterrissage, du gouvernement mais aussi de Spielberg et des scénaristes de X-files. Idée sympa, qui inspire au film quelques moments plaisants, mais ne résout pas la question avec laquelle il se débat : qui, dans Paul, est le véritable alien ?
Première hypothèse, avec laquelle le film commence : les vrais aliens, ce sont les Anglais, soit Pegg et Frost, espèce rougeaude débarquée du pays des fishs & chips, autrement dit un exotisme terminal pour l’Amérique profonde où ces deux-là s’embarquent en caravane. Hypothèse lourde, vite pénible, qui impose d’en passer par l’abattage assez piteux du duo. Autre hypothèse, plus intéressante, que le film suit un temps : dans le regard des Anglais, les aliens, ce sont les autres, c’est-à-dire les rednecks croisés en chemin (l’hypothèse est formulée, forcément, sous forme de clin d’oeil : dans un trou paumé, Pegg et Frost poussent la porte d’un bouge et sur scène, des bouseux jouent au banjo l’air qui résonnait dans le bastringue freak de Star Wars). Dans la caricature de l’Amérique profonde, le film trouve ses meilleurs moments. Il trouve surtout un personnage formidable, une péquenaude born again qui, confrontée à l’E.T., renonce à la Bible et exprime sa libération en un jaillissement de jurons extatiques – épatante Kristen Wiig, géniale déjà dans un rôle minuscule de En cloque mode d’emploi. Et Paul, l’extra-terrestre cool et fumeur de joints ? Rien de moins alien que Paul, rien de plus central aujourd’hui que ce visage-là, celui d’une tyrannie tranquille de la régression qui, vautrée sur le trône où on l’installe un peu plus chaque semaine (revanche et triomphe des geeks, lit-on partout, de L’Express à Tricot Magazine), commence un peu à saouler.