C’est l’été, dans le Gard. Une femme (Kristin Scott Thomas), mariée à un chirurgien (Yvan Attal), s’éprend follement d’un ouvrier venu faire des travaux (Sergi López). Plusieurs scénarios s’esquissent, qui sont trois fois le même.
1. Trio de corps. Scott Thomas, Attal, López : la vigueur, la délicatesse, l’épaisseur circulent entre eux trois. Par effet de vases communicants, ils les visitent chacun à leur tour.
2. Trio d’acteurs. Scott Thomas : belle, bourgeoise, des premières rides que le cinéma aime ; Attal : porte bien le costard, lève le coude pour regarder sa montre, avale son café, file au boulot, en retard. Son aisance lascive et insituable (américaine ?), sa manière de déplier ses phrases comme si pour être plus audible elles devaient dérouler devant lui, on connaît les tours de l’acteur, bien qu’ici le récit l’invite à les reformuler ailleurs, dans un champ qu’il est moins habitué à investir (du côté de la cruauté, de la colère, des saloperies), et cela marche assez ; López : il continue son parcours de sex symbol. Il est sans doute, avec Amalric, l’acteur le plus mis-au-lit du cinéma français, reprenant à son compte cet exercice permanent du cinéma français qui consiste à chercher, explicitement, systématiquement, programmatiquement des objets de désir inattendus (qui ne le sont donc pas longtemps).
3. La bourgeoise et le prolo. C’est le scénario le plus évident, qui embrasse les deux autres, et c’est plus ou moins tout ce que le ciel permet (la bourgeoise et le jardinier : tiens, le chef-d’œuvre de Sirk ressort en salles cet été). Le personnage féminin, le mari cocu, le prolo, la réalisatrice : tout le monde a bien conscience que l’on nage en plein cliché. Donc le film ne veut pas se vautrer de ce côté-là. Encore que. Corsini tente habilement de se dédouaner de cet écueil en le mettant dans la bouche du mari, furieux, désespéré et minable, qui s’abaisse à lui lancer « la bourgeoise et le prolo, ça t’excite ? C’est pathétique ! ». Elle, elle assume. Elle et son amant, ils s’aiment et on n’en doute pas une seconde. Bien. Corsini oriente le récit vers la cruauté, en montrant comment le mari étrangle financièrement la fugitive pour la faire rentrer à la maison ; ça fait 60 ans, depuis la parution du Deuxième Sexe, que Simone de Beauvoir le répète : mesdames, ne soyez pas dépendantes économiquement de votre mari. Encore que ? Encore que, de la romance, Corsini montre surtout les ébats, et peu de dialogues. Sort-on vraiment de l’alternative mari bourgeois, obscène et mesquin (et qui parle mal aux ouvriers, qui leur donnerait presque du « Y’a bon ») Vs robuste ouvrier un peu taiseux, un peu gentil, un peu secoué par la vie, mais qui baise bien ? Finalement, non.