Surya Bonaly du cinéma dans les années 80, Maïween s’est reconvertie en défouleuse professionnelle, écorchée vive maîtresse dans l’Art du crachat familial. Au théâtre, ça donnait Le Poix chiche où, seule en scène, l’actrice taillait un costard à ses parents. Quelle différence avec Pardonnez-moi, sa version cinéma ? A l’exutoire s’ajoute une réflexion sur la portée universelle des histoires personnelles. L’existence même du film apporte une réponse en forme de certitude. La presse semble lui donner raison : on la compare ici et là à Pialat ou Vinterberg, on loue l’émotion dégagée par une franchise totale, brandie comme l’ultime étendard créatif. Cependant, la référence qui saute aux yeux reste Richard Bohringer. C’est beau une ville la nuit suit ce même fil de l’intime conviction, cette croyance naïve et / ou primitive au « freestyle », où tartes à la crème et autres complaisances sont les bienvenues.
Néanmoins, Maïween en veut davantage, cherchant à recouvrir son propos d’un nappage théorique. Histoire de faire joujou avec la réalité ou justifier de la véracité rafistolée du film -qui est bien une fiction avec acteurs stars et caméra DV. Voyons voir : enceinte, Maïween veut se libérer de ses névroses familiales pour préserver son enfant. Sa psy lui conseille de transformer sa rancoeur en énergie créatrice. L’idée ? Tourner un documentaire qui saisira la vérité de ses parents. Comment réagit Papa (Pascal Greggory), grizzly dépressif et teigneux quand sa fille lui ressert son passé de père violent ? Et quid de la mère (Marie-France Pisier), mégère égocentrique, coupable de cocufiage intensif ? Silence gêné des deux affreux. Maïween décide alors d’orchestrer les révélations. Pialat est quand même vite troqué pour Bataille et Fontaine. Pas de lever de rideau, mais une soirée d’anniversaire où un ex amant de la mère débarque souffler les bougies et déclare à l’une de ses filles qu’il est son père naturel. Autre exercice : devant son ancien bourreau, Maïween rejoue les coups et blessures de son enfance avec une poupée à son effigie aspergée de liquide rouge.
Spectacle et frissons garantis, le racolage actif se justifiant toujours par sa fonction thérapeutique. Il ouvre une fenêtre dans l’esprit en détresse de Maïween, grand corps fascinant, aiguisé et cassant. En quête d’amour insatiable, celle-ci laisse courir son narcissisme, se regarde petite fille, s’adoube grande prêtresse puis grande pécheresse, secouant parents et spectateurs. Le cinéma n’en sort pas toujours grandi, rapidement gagné par les limites de sa nature brute de pomme. Une naïveté abyssale où l’actrice semble découvrir la nature sensationnaliste du documentaire et son pouvoir de manipulation (l’effet film dans le film pas très malin). Le pic, une pitoyable bataille de chantilly, prouve que le grand film sur la famille reste à faire.