Premier film afghan tourné depuis la chute du régime des Talibans, Osama, très vite, remet le couvert sur l’éternel malentendu d’un certain world cinéma. Le premier plan, plutôt louche -un enfant des rues demande un dollar à la caméra (qui lui donne) pour « éloigner le mauvais oeil »-, dit même qu’il ne s’agit que de cela, et comme la scène se poursuit avec une manifestation de femmes en burqas bleus violemment réprimée, il n’y a plus de doute : Osama vient après Kandahar de Mohsen Makhmalbaf grossir le rang des cartes postales timbrées en enfer, propres à indigner, voire révolter, le comité de rédaction de Madame Figaro tout en lui offrant son lot d’esthétique extase. Osama, donc, du Kandahar en plus fauché, plus rêche, plus brut. Un réel alarmant (le film se passe au début de l’infernal régime des Talibans) envisagé comme décor, avec ses images-chocs bien agencées et ses plans-de-cinéma en veux-tu en voilà. Le premier plan, encore : plan subjectif fixant le petit mage des rues dans un simulacre assez écœurant, où l’oeil occidental marchande son droit à l’image (des autres) et fait semblant d’être pris dans cette urgence et ce chaos qu’il crée en filmant. Ce caméraman mystérieux, hors champ, on le retrouvera à la fin du film, fumant la cigarette du condamné avant d’être exécuté par les fanatiques -la boucle est bouclée, mais au prix de quel grossier tour de passe-passe. De l’Occidental en Afghanistan, vu par le film, on doit avant tout dire qu’il est mauvais comédien : voir la femme-médecin emmenée de force par les Talibans, se débattant mollement à coups de « where are we going ? » si faux qu’ils font voler en éclat l’appareillage réaliste du film.
Osama est une jeune fille rebaptisée de ce nom masculin (et désormais très connoté), travestie en garçon par sa mère et sa grand-mère, seul moyen pour qu’elle puisse travailler et faire vivre la famille. Le film accumule les petits morceaux de bravoure, gros plans, gros ralentis, grosses envolées onirico-lyriques, gros symboles. Dans le genre démonstratif et photogénique, Osama fait assez fort, sacrifiant à son programme -faire sensation- tout ce que son récit (pourtant pas mal vu parfois, notamment dans l’odyssée de la fille dans l’univers martial et fanatisé des hommes) laissait espérer de fiction terreuse et poignante. Est-il besoin de faire remarquer que l’on peut faire mieux, et plus fort, sans recourir à des procédés aussi voyants ? Que le film vienne de là où il vient suffira peut-être à certains pour l’excuser de son apparente naïveté qui, à y regarder de plus près, ressemble surtout à une coupable facilité et une volonté d’épate pas forcément très glorieuse.