« Il n’y a plus de saisons » : Hervé Le Roux, pour son troisième long métrage, semble avoir fait sien ce vieil adage de comptoir. Le dérèglement climatique tient en effet une grande place dans On appelle ça… le printemps, et coïncide avec celui hormonal de ses personnages. Dans la grisaille parisienne, trois femmes se rejoignent dans un même ras-le-bol du sexe mâle : Joss (Marie Matheron) plante mari et enfant pour rejoindre Fanfan (Maryse Cupaiolo). Celle-ci est justement en pleine scène de ménage avec son copain qui menace de jeter son poisson-chat Moby Dick par la fenêtre. Scène hilarante qui fait démarrer le film sur les chapeaux de roues, entrecoupée d’un préambule où, sur fond bleu, trois barytons poussent la chansonnette baroque en pourpoint et jabot.
En quelques scènes, le ton est donné : un humour fantasque et acide agrémente ce portrait nonchalant de trois femmes qui décrètent brutalement leur liberté. Pourtant, Joss, Fanfan, et Manu (la copine célibataire chez qui les deux filles se réfugient, jouée par la délicieuse Maryline Canto) sont un peu trop avancées dans la trentaine pour jouer les jeunes premières. Et si Manu multiplie les aventures -dont une avec l’inénarrable Laszlo Szabo-, les frasques sexuelles ne sont plus vraiment une compensation. Tandis que les trois hommes (Pierre Berriau, Michel Bompoil et Antoine Chappey) se lancent à leur poursuite, elles rencontrent Claude, un quinquagénaire énigmatique qui profite des vacances de sa femme à l’île de Ré pour accueillir dans son luxueux appartement la petite troupe.
Marivaudage mâtiné d’opéra bouffe et de musique baroque, On appelle ça… le printemps aborde tout de même discrètement le thème du désir et du désordre amoureux. En fait de brise printanière, un vent de folie libertaire vient titiller la libido trop réprimée des personnages. Mais ce souffle est chargé d’une bonne dose d’humour absurde, un art consommé du faux départ et de la surprise. Le Roux cultive le temps mort, le timing approximatif, la fausse note qui met en valeur celle, plus juste, qui vient après. Ce n’est donc pas en vain que quelques-uns des gags d’On appelle ça… le printemps tombent à plat, puisqu’ils permettent à quelques perles de burlesque et d’humour à froid de voir le jour. Notamment lors d’une étonnante scène de bal, où les trois filles déguisées vont finir par retrouver leur vrai rôle. Dès lors, les choses semblent rentrer dans l’ordre et la parenthèse (pas si enchantée que ça) se clôt naturellement. Et si la guerre des sexes n’avait pas lieu ? Dommage, car le film de Le Roux, même au second degré, l’avait rendu prometteuse.