Requinqué par le triomphe du Pianiste, et encore associé au scénariste Ronald Harwood, Roman Polanski remet le couvert avec Oliver Twist, une autre histoire triste d’enfant grandi trop vite et abandonné. Au vu du parcours du cinéaste, il n’est pas compliqué de voir ce qui l’intéressait dans le classique de Dickens. Facile de pointer les similitudes entre Oliver Twist et ce petit polonais privé d’enfance par les Nazis, futur Rastignac européen parti à l’assaut d’Hollywood avant de payer son arrogance par plusieurs sales coups du destin (cf. Roman, son incroyable autobiographie parue il y a une vingtaine d’année). Si vous ne saisissez pas, le scénario vous force à mettre le nez dessus en débroussaillant à la faux la grande majorité des intrigues parallèles, voire cruciales, du texte original, pour se focaliser sur sa dimension initiatique. Moyen de se plier au diktat de ce type de production éléphantesque (livrer un film qui ne passe pas les 2h05, garantissant un maximum de séances dans les salles) ? Plutôt prétexte, pour Polanski, de parler de son sujet favori : Roman Polanski. Le film prend des airs d’autoportrait fantasmé, de fable racontée au coin du feu. Autour d’Oliver Twist, plus victime que réel personnage, Polanski enlumine chaque détail, du visage chérubin de Barney Clark, horripilant dans le rôle-titre, au faux-nez porté par Ben Kingsley.
La dernière fois que le livre a été adapté au cinéma, ce fut à la fin des années 60 pour une redoutable comédie musicale. La version de Polanski n’en est pas si loin, quand malgré le bluffant travail formel sur certaines scènes, il respire l’air vicié d’une production théâtrale façon Broadway. Notamment lors de la vision du monde souterrain des jeunes pickpockets, où l’on s’attend à voir la troupe pousser la chansonnette façon Mary Poppins sur l’atroce musique de Rachel Portman. A l’époque de Tess, son autre adaptation d’un classique, Polanski avait composé un glaçant tableau de moeurs bourgeoises ancestrales. Oliver Twist, ripolinage en studio, a perdu ce côté aquarelliste, privant l’ensemble d’un naturel qui fait sérieusement défaut. Pire, Polanski retire au film l’un des points essentiels du roman : la cruauté. A tel point qu’il retourne la veste rapiécée du bourreau d’enfant Fagin, personnage clé, pour en faire un coeur d’or caché sous un visage de monstre, rien qu’un papy ronchon.
Après le sursaut du Pianiste, il est désolant de retrouver Polanski en train de faire ses nouvelles gammes de cinéaste, proche de l’académisme des films de James Ivory, donc assez indigne du réalisateur du Locataire ou de Répulsion. Pour un Oliver Twist moins lisse, subversif et dénué de tout sentimentalisme, prière de se procurer le DVD de la version réalisée en 1951 par David Lean.