Les années 70 en banlieue parisienne. Maman Emmanuelle Béart prépare la tambouille, papa Jacques Gamblin débouche le vin, les deux enfants mangent leurs frites. Le petit dernier, Sébastien, a la coupe au bol. Plus crispant, il commente tout ce qu’il voit. Récapitulons : petits-déjs en famille sur la table de la cuisine, joie immodérée du port de chemise pelle à tarte, voix off d’irritant bambin futur lecteur de Gala (il adore la reine d’Angleterre). En deux minutes chrono, Nous trois annonce les 88 suivantes comme le pot pourri le plus complet de l’air du temps. Ah oui, on allait oublier l’arlésienne suprême, un bon vieil adultère, amené aussi subtilement que l’arrivée du plombier dans un porno – ici de nouveaux voisins qui sonnent au portail. Le gosse les adore. Béart est toute chose, Gamblin actionne le mode cocu à oeillères. Le gosse est aux anges.
C’est donc parti pour une énième visite du panthéon de la comédie dramatique française, digne d’une soirée diapos entre collègues de Studio magazine : les barbecues entre copains haut en couleurs à la Sautet, le mélo truffaldien quand la passion vire tragique, les commentaires améliepoulinesques du gamin qui porte sur le couple illégitime un sourire béat piqué à Stéphane Bern. Nous trois relève du pur exercice de jonglage, où les images s’autodétruisent en un rien de temps, sans laisser de trace. Tout n’est que prétexte, béquille, petit bois pour alimenter un scénario en contreplaqué, incapable de délayer ses rebondissements, ni même d’emboîter correctement ses références. Le film a beau se montrer rutilant et sûr de ses effets (brochette de people, accessoires et look seventies soignés), il n’en demeure pas moins en kit, formant un amas d’intention toutes plus chétives les unes que les autres.
Pour une chronique censément généreuse et obstinément guillerette (la voisine cocue, en mode positive attitude), ça la fout assez mal. La truculence tambourinée à coups de réussite au bac (« j’ai eu mention très bien »), de toasts chez les voisins et de départs en vacances ? De la reconstitution sitcomesque, plus sinistre encore qu’une pause bisous chez Chouraqui. Même le point de vue enfantin, raison d’être du film, se révèle très vite un gros boulet théorique qui massacre le moindre balbutiement d’émotion. Il faut dire que le moutard, accroché au couple Béart-Accorsi comme un caniche tirant sur sa laisse, en est réduit à jouer les petits commentateurs niaiseux, condamné à lire sa partition de petit singe savant. Voilà qui symbolise à la perfection le malentendu du film, petite chose faussement simple et limpide, pétrie d’arrogance de chefaillon coquet, qui transforme chaque bouffée inspiration en navrante maxime de magazine féminin.