Nos vies heureuses est présenté par son réalisateur, Jacques Maillot, comme « un film de groupe ». Une équipe de techniciens, celle de Magouric production, qui se suit de films en films ; un groupe d’acteurs dont aucun n’a vraiment la vedette et, enfin, un sujet communautaire, le reflet des préoccupations de la génération des trentenaires d’aujourd’hui. Mais si les ingrédients sont là, l’alchimie, elle, ne prend pas.
Deux filles papotent dans une cuisine. Elles parlent mec. L’une confie à l’autre la « panne » sexuelle de son ami. Elles en rient. Dans ces moments-là, Nos vies heureuses dérape presque vers la sitcom à la française pas très glorieuse. Malgré la caméra à l’épaule, très proche des acteurs, le réalisateur ne parvient pas à créer l’intimité, la proximité avec ses protagonistes. Jamais il ne réussit à s’échapper du carcan de la scène « attendue ». Ce film, par la multiplicité des personnages et des destins croisés pourrait être une série à lui tout seul, une sorte de Friends à la mode frenchy, s’il ne lui manquait un élément capital : la dérision.
En effet, l’atout du film, des seconds rôles très présents, est aussi son principal défaut. Cet éparpillement engendre la caricature, comme si, pour exister, chaque personnage se devait d’incarner une parcelle de la société. Il y a Sami Bouagila en clandestin amant d’une française, Fanny Cottençon en femme mûre éprise d’un jeunot, Cécile Richard en artiste dévergondée, Jean-Michel Portal en homo refoulé ou encore, Eric Bonicatto en catho frustré. Leur traitement superficiel interdit au spectateur tout attachement. Cette liste trop « évidente » des thématiques de notre époque tend alors vers le catalogue plus que vers une quelconque synergie. L’Age des possibles de Pascale Ferrand ou Comment je me suis disputé… d’Arnaud Desplechin couvraient moins de « sujets » avec autant de protagonistes ou d’intrigues, et parvenaient à éviter ce travers.
La valeur du film est pourtant incontestable : un témoignage-résumé des gens des années 90. Mais est-ce cela que l’on recherche dans une fiction ? Car l’émotion, hélas, n’est pas au rendez-vous. A vouloir que chacun se reconnaisse sur sa toile, Jacques Maillot ne dépeint plus rien.