Pitch royal : un petit kakou de cité doit s’intégrer dans la jeunesse dorée de Neuilly. Trop royal, peut-être : l’idée sur laquelle repose Neuilly sa mère offre en effet une telle réserve de gags tout faits que Gabriel Julien-Laferrière, novice téléguidé par Djamel Bensalah, semble en avoir oublié son déguisement de cinéaste. Dommage, car au moment où s’annonce un naphatalineux Petit Nicolas au burlesque balladurien, Neuilly sa mère, qui compte quelques scènes valables (l’arrivée du moutard dans une salle de classe bourrée à craquer de petits sosies de Jean Sarkozy, l’angoisse insoutenable provoquée par une tribu de racketteurs emmenée par Booder), rejoint, sur le papier, le plaisir du prêt-à-croquer qui irradiait Les Beaux gosses : plongée dans un microcosme scolaire peuplé de figures énormes et jouissives qui dresse l’inventaire toujours recommencé des petites nostalgies collégiennes (avec ses spécimens trop gros pour être vrais : le petit caïd, la muse de la cour de récré, le fayot prêt à tous les coups bas, l’intello lâche, etc). Mais le film délaisse cette malice descriptive qui se nichait dans le sens du détail du film de Sattouf et ne sort jamais des rails de la comédie bon teint et auto-satisfaite annoncée par son titre.
La faute, d’abord, à la nullité caractérisée de Gabriel Julien-Laferrière : si la plupart des répliques font flop, si le jeune héros, Sami, semble si terne et si falot dans son rôle archi démago de petit modèle d’intégration positive, c’est bien parce que la mise en scène, d’une pâleur inouïe, ne parvient à aucun moment à faire sourdre l’ombre d’un chouïa de personnalité de cinéaste. Reste un petit miracle : le personnage fourbe et mesquin du petit Charles, apprenti-président de 12 ans qui accueille Sami dans sa famille, récite avec un tel art du fayotage flasque et tête-à-claques ses punchlines mécaniques (« ma chambre, on l’aime ou on la quitte ») qu’il en devient immédiatement culte. Vision d’épouvante de la France sarkoziste et marionnette hilarante vivant dans une sorte de capharnaüm UMP aux murs couverts de posters de membres du gouvernement et où tourne en boucle Quelqu’un m’a dit, cette petite figure de cauchemar porte le film à bout de bras. Elle est bien la seule, avec quelques apparitions fugitives (les guests Podalydès, Seimoun, Lemercier), à entrer en résonnance parfaite avec le vrai projet du film : révéler le film d’horreur absolu qui se cache sous la paisible petite comédie sociologique à la Chatiliez.