Dites-le à tout le monde : Guillaume Canet, acteur, réalisateur, 2 films à son actif, est l’officiel golden boy du cinéma français. Qu’on en juge par le casting qu’il a réuni pour son polar (attention, name dropping) : François Cluzet, André Dussollier, Marie-Josée Croze, Kristin Scott Thomas, Nathalie Baye, François Berléand, Jean Rochefort, Gilles Lellouche, Jalil Lespert, Guillaume Canet himself, tant qu’à faire, et quelques autres encore (parmi lesquels Marina Hands, merveilleuse dans Lady Chatterley). Ça fait beaucoup ? Oui, trop même, tant le film semble être avant tout une succession de caméos. Difficile d’entrer dans le film, quand Depardieu, Auteuil ou Thierry Frémont menacent en à chaque instant de surgir dans la peau d’un flic, d’un gangster ou d’un piéton. Guillaume Canet, nouveau golden boy du cinéma français, mi-entertainer, mi-auteur en devenir, même si auteur de quoi, ça reste à définir. Ou bien plutôt mascotte d’un cinéma français qui cherche, et s’épuise à chercher, de nouvelles têtes capables de poser une broche sur son éternelle fracture entre désirs d’auteur et désir de succès ? Ne le dites à personne, mais cette place-là, la fameuse place centrale que visait, s’il ne l’occupait pas, Truffaut, cette place-là, c’est un siège éjectable.
Ne le dis à personne, alors, chut : il se murmure que le Dr Cluzet, dont la femme a été assassinée en forêt de Rambouillet par un serial killer sylvestre, reçoit par mail la preuve que sa défunte est toujours de ce monde. Voilà le pédiatre embarqué dans une sombre histoire : courses-poursuites, flics aux fesses, politiciens trempés jusqu’à l’os, histoires louches, etc. Mélange de ringardise 80’s (Olivier Marchal en réincarnation de Dominique « musette » Pinon dans Diva de Beineix) et de roublardise hi-tech (le gag du film, énorme : l’internaute mystère qui envoie des mails à Cluzet a pour adresse ), le film avance comme il peut, mais ne se fabrique aucune identité. Ni française : malgré le passage par les cités chaudes, malgré le casting best of, malgré le désir bien senti de ne pas renoncer à la France parce qu’on donne dans le thriller. Ni américaine : malgré l’envie de faire bien, pas ringard, efficace (ça reste à voir), de voir grand. Le film n’existe que dans l’entre-deux sans matière de cette double hésitation, Paris ou Hollywood, c’est-à-dire qu’il a du mal à exister, et que Canet, pour se faire entendre comme metteur en scène, tombe très vite dans le gadget (le plan caméra-embarqué, lors de la course-poursuite entre Cluzet et la maréchaussée), le bluff (le grand clip U2), la boursouflure (l’interminable épilogue « bon sang mais c’est bien sûr »), voire la franche niaiserie. Terminé à bout de souffle, Ne le dis à personne n’est pas honteux, pas brillant non plus, surtout pas le grand film fédérateur qu’il fait semblant d’être.