Avec Mon idole, Guillaume Canet s’est offert une nouvelle image : celle du petit ricaneur chef de bande chic et toc. Et des nouveaux films (Un Jeu d’enfants), tous clipesques et décalés, où l’humour publicitaire se dispute au burlesque à la mode, genre frères Coen, Monty Python ou Johnny Depp. Narco vient donc asseoir cette réputation balbutiante en tentant une greffe définitive de l’univers Canet aux barons du comique français. Poelvoorde, Berléand (déjà dans Mon idole) et l’inoxydable Zabou Breitman, ça sent le bon plan de carrière, voire l’adoubement en douceur. Si ça marche, le gros film, celui de la consécration, se profile déjà à l’horizon. Un film où Canet se donnera la peine de mettre en scène et qu’il produira comme Narco, via sa boite à lui (les films du Trésor), avec ses potes comédiens en guest et Sinclair à la B.O.
On attend de voir tant Narco apporte la même dose d’espoirs que de déceptions. Espoir d’abord, pour son pitch alléchant, rappelant l’irrévérence eightie d’un Joe Dante et déballé vivement par le tandem Aurouet-Lellouche. Brave trentenaire banlieusard, Gustave Klop (Canet) est narcoleptique. Explication : il s’endort à intervalles irréguliers, provoquant ainsi l’hilarité de son meilleur ami (Poelvoorde alias Lenny Barr -jeu de mot- et fan de Van Damme) et la lassitude de sa femme (Zabou). Démarrage pied au plancher donc sur le mode journal de bord version série Z de luxe. L’écriture s’avère étonnamment efficace, elle jugule chronique et rythme, aligne les espaces burlesques (l’onglerie de Zabou, grand moment) avec une belle aisance. Pubars chevronnés, Tristan Aurouet et Gilles Lellouche tiennent bien les rênes. En quelques plans, ils soulignent justement le décor mi-western mi-banlieusard spielbergien du scénario.
Déception ensuite. En panne sèche de carburant scénaristique, le film s’écroule, incapable de tenir ses promesses, se raccrochant vainement aux vieilles coutumes françaises qu’il se serait bien vu balayer. Fini la chronique jouissive, le côté voyage au pays de la ringardise familière, où l’on gare sa vieille voiture inspirée de Spirou devant son pavillon de ville nouvelle. Les cinéastes s’en remettent à l’intrigue, aussi excitante qu’un encéphalogramme plat. Du coup, l’artillerie visuelle enregistre l’indigence sans distance, des rêves formatés au grand-guignol de gouttière. C’est volontaire, répond inlassablement Narco, nanar fier de l’être, cynique fastoche, cynique de secours. Ça aurait pu avoir le charme d’un accident industriel du type Atomik circus. Mais non. Avec son casting cinq étoile, la beauté à peine voilée de Canet (qui a grossit de dix kilos pour le rôle, soit dix de moins que De Niro dans Ragging Bull) et sa foutraquerie pré-programmée, Narco en reste au simple produit étriqué pour vedettes pleines de bonne volonté.