Trois jeunes filles. Un été désoeuvré en banlieue. Une rencontre insolite. De la nage synchronisée. Trois relations différentes à l’éveil de la sexualité hétérosexuelle et homosexuelle. Le premier film de Céline Sciamma a tout de l’oeuvre naturaliste fragile que le jeune cinéma d’auteur français livre assez régulièrement. Le style n’y est pas encore affirmé, mais il s’agit de donner à voir, entendre, sentir une sensibilité non plus seulement, ou pas encore, d’artiste, mais, pour commencer, d’être humain. Difficile de nier, de ce point de vue, que Céline Sciamma est pourvue d’une sensibilité discrète et pudique, qu’elle lègue à ses comédiennes, sur lesquelles elle porte un regard doux et attentionné.
Pourtant, c’est précisément là que le bât blesse. Le cinéma doit-il se contenter de regarder les hommes (en l’occurrence les filles) avec douceur et attention, en évacuant toute la dimension nécessairement jalouse, frustrante, désirante, passionnelle qu’un cinéaste, même balbutiant, entretien avec l’objet filmé ? Cette évacuation totale de l’ambiguïté tient d’ailleurs moins au regard de la réalisatrice (on serait bien en peine de critiquer une « sensibilité ») qu’à une absence presque complète de mise en scène, laquelle mise en scène permet, comme chacun sait, de dire ce que le scénario ne dit pas et d’entrer ainsi dans ce rapport complexe aux choses et aux gens.
Céline Sciamma se contente, comme on dit, de filmer platement son scénario, dépouillant ainsi son film de la moindre parcelle d’inconscient. D’où un objet gentil, qui anesthésie l’érotisme naissant des jeunes filles dont le corps est parfois exposé mais jamais vraiment problématisé. Ainsi de cette scène où une des filles se retrouve dans les vestiaires, nue devant un garçon : la réalisatrice semble aussi tétanisée que ses deux acteurs, incapable de sortir d’un très rudimentaire et tautologique champ-contrechamp. Reste les comédiennes, dont les deux plus âgées en particulier dégagent un vrai talent, mais dont on aurait pu espérer qu’elles livrent bien plus encore si la réalisatrice n’avait pas eu peur de les pousser. Dommage.