Une nation qui se targue de sauver le monde en toute occasion ne peut qu’engendrer des êtres supérieurs, gardiens de sa sécurité interne. Mais à force d’enfanter des super-héros, se trouvent forcément dans le lot quelques créatures légèrement dégénérées. Elles aimeraient faire partie de la grande famille des sauveurs des Etats-Unis mais n’en sont, en réalité, que de très lointains cousins de province. Les « mystery men » rêvent de gloire et n’ont qu’une envie : se battre contre les méchants de Champion City, même si leurs pouvoirs sont inexistants et leurs accessoires tout simplement dérisoires. Eddie (William H. Macy) possède une pelle qu’il manie à merveille, Jeffrey (Hank Azaria) est un lanceur de fourchettes hors pair. Quant à Roy (Ben Stiller), rien ne le distingue du commun des mortels, excepté une colère phénoménale et improductive.
Un équipement et des costumes tout droit sortis de n’importe quel pavillon de banlieue américaine rendent ce trio de super-héros bricolos assez sympathique. D’autant plus sympathique que leur rival, seul véritable super-héros aux yeux des habitants de la ville, le Capitaine Admirable est un être détestable qui pense bien plus à ses sponsors -dont les noms recouvrent son costume- qu’à sauver la veuve et l’orphelin. Au premier abord, cette présentation des personnages laisse supposer un regard décalé sur la mythologie des comic books (impression a priori favorable, renforcée par un casting issu du cinéma indépendant américain : Ben Stiller, William H. Macy, Tom Waits, etc.), mais rapidement on s’aperçoit que ce second degré affiché n’est que l’un des accessoires de la lourde panoplie de cette comédie archifriquée. Ces héros chantres du système D, étendards démagos des sans-grade, évoluent dans un film à l’esthétique boursouflée dont la mise en scène est particulièrement tape-à-l’œil (plus proche du Batman de Joel Schumacher que de celui de Tim Burton). De plus, dès que le trio s’adjoint des comparses, Mystery men vire au gros comique troupier. Ainsi, l’un d’entre eux, le Spleen (Paul Reubens, au physique étonnamment proche de celui du Jacouille des Visiteurs), combat à coups de flatulences particulièrement odorantes.
Un produit, donc, 100 % « américanouillard » qui peut figurer sans aucune honte à côté de notre « Superdupont » national.