En 1956, Colin Clarke, jeune diplômé d’Oxford se rêvant cinéaste, se voit propulsé assistant réalisateur sur le tournage du Prince et la danseuse. Adapté de son récit autobiographique, My week with Marilyn raconte, en même temps que les coulisses du tournage, la brève mais poignante rencontre entre ce jeune garçon prometteur (Eddie Redmayne, sorte de Billy Elliott avec le charisme d’un poney) et “la plus grande star de tous les temps”. Marilyn surgissant au beau milieu du récit d’un héros moyen (comme dans Le Milliardaire, comme dans Sept ans de réflexion): avec un tel argument le film s’avançait avec la promesse d’offrir quelque chose comme un dernier film avec Marilyn, telle qu’elle s’était donnée au cinéma. Sauf qu’assez prévisiblement My week with Marilyn préfère s’engouffrer dans la voie toute tracée du biopic oscarisable, dont le cahier des charges ne varie pas : performance d’acteurs époustouflants, exigence de décryptage du mythe, reproduction méticuleuse d’un milieu, d’une époque, du témoignage, qui sont autant de moyens pour le film de n’ambitionner rien d’autre que sa véracité-spectacle.
Cela donne un enchaînement de vignettes totalement plastifiées, figées dans le sourire pâteux de la reproduction certifiée Madame Tussaud. La faute, principalement, au manque d’innocence avec lequel sont traitées toutes les scènes, toutes déformées à la lumière du rétrospectif, qui consiste ici à croire que le mythe était déjà là avant son édification, à plaquer sur Marilyn vivante les questions qui ne sont apparues qu’avec sa mort, et à faire fourmiller les facettes psychologiques contradictoires comme pour mieux cerner le personnage : admirée et méprisée, réfléchie et instinctive, marionnette de la Méthode (censée trancher en cela avec l’intellectualisme du jeu des acteurs anglais qui récitent Shakespeare à leurs heures perdues) mais possédant son génie propre, profondément inculte (ne pouvant s’empêcher de s’exclamer dans une bibliothèque « gee i’d love to read all these books ! ») et lisant Joyce (rapport à une célèbre photo qui la montrait lire Ulysse en maillot de bain), dépressive et joviale, indifférente aux autres et pourtant si généreuse. À force d’exhaustivité, le film ne figure plus qu’une sorte de cabinet fétichiste, d’album photo de groupie maladif où faire sereinement cohabiter les facettes contradictoires et irrésolues du mythe.
Si le film évoque la prise d’otage de Marilyn dans le rêve mielleux d’un petit garçon (lequel coïncide bien avec l’entreprise de délavage du biopic), c’est finalement dans les quelques scènes moites de tête à tête entre la star et l’assistant que le film révèle une facette authentique de Marilyn. Parce que cette facette-là est la seule qui ne semble pas déduite de la spéculation ou des témoignages. C’est Marilyn telle qu’elle se donne dans ses films sans que vienne s’en mêler le biographique : pur dégoulinement de sexe, image à jamais intouchable, mélange ambigu et douloureux de pleine conscience du désir qu’elle fait naitre et d’ignorance affectée, avec pour fond cette constante indifférence pour l’homme qu’elle embarque avec elle – indifférence féminine qui est au final le réel enjeu involontaire du film.
Et ici My week with Marilyn doit tout à Michelle Williams, élément a priori le plus périlleux, et au final seul véritable intérêt du film. Parce que ce rôle, qui ne peut être autrement qu’étouffant, l’obligeait à injecter une dose nécessaire de distance, qu’elle prend toujours comme un pas de côté récréatif, s’éloignant d’une hypothétique vérité de l’actrice pour lui préférer son personnage, et un cabotinage qui était au coeur même du jeu de Marilyn. Celui de Michelle Williams est passionnant dans sa manière de prendre en charge cet écart entre la copie et l’original, qui est insurmontable et que le film, gros gâteau prêt-à-oscariser, croit à chaque instant surmonter.