Quand Ken Loach décide de faire pleurer dans les chaumières, d’arracher sa larme à l’œil du plus endurci (blasé ?) des spectateurs, il ne lésine pas sur les moyens. Quitte à saborder son film, s’il le faut. Et c’est bien là que se trouve le grand problème de notre grand humaniste anglais : il confond les moyens et les fins. Et de ce brouillamini, c’est le spectateur qui sort lésé.
La grande faiblesse de Loach est d’être un tricheur invétéré. Il lui faut faire un film social où les institutions (services sociaux, police, inspection du travail, peu importe d’ailleurs) soient (re)mises en cause. Alors, plutôt que d’essayer de comprendre les problèmes qui se posent, il incrimine ces organismes. Il ne s’agit évidemment pas pour nous de défendre les institutions face à l’Homme, de jouer les pères protecteurs de structures qui depuis longtemps s’écroulent sous leur propre poids. Mais il s’agit par contre de montrer que la façon dont Loach les remet en cause est malhonnête, naïve, et finalement sans effet. Les coups qu’il tire sont des coups dans l’eau. Car de tous les malheurs qui accablent (et c’est peu dire) ses personnages, aucun ne découle des images qu’il nous montre. Ils arrivent de manière arbitraire, et sans lien aucun avec d’autres événements qui se déroulent. Ce que je veux dire, c’est que sans sa volonté à vouloir faire du cinéma social, de la critique à la petite semaine, un autre film serait naturellement apparu, sans suicide mélodramatique, sans rupture incompréhensible, une simple histoire d’amour entre Joe et Sarah.
Faire mourir des gens, en faire souffrir d’autres, tout ça pour apitoyer le spectateur et le faire pester contre des organismes sociaux (qui n’y sont pour le coup pour rien), voilà la grande erreur de Loach. Autrement dit, il faut choisir : soit on pratique la critique de mœurs (et on s’efforce, par exemple, de faire aussi bien que Rohmer), soit on fait de la critique sociale. Mais on ne fait pas les deux en même temps.
Tout cela est d’autant plus dommage que les acteurs, loin d’être irritants (comme cela a pu quelquefois être le cas), donnent au film une certaine vitalité et une bonne humeur qu’on aurait aimé pouvoir partager.