Spécialiste de la chaise électrique, grand rénovateur des techniques d’exécution, révisionniste notoire, Fred Leuchter mérite-t-il qu’on lui consacre un documentaire ? Sans doute. Mais ce n’est pas le film d’Errol Morris qui va nous en convaincre. Pompeusement intitulé Mr Death, ce film raconte sans grande perspicacité ni inspiration le sinistre parcours de Leuchter. Fils d’un gardien de prison, inventeur de la chaise électrique moderne, responsable du « design » de la machine à injection au lethal, spécialiste ès chambre à gaz : voilà pour le CV de Fred Leuchter. Un partisan de la peine de mort soucieux de faire ça « proprement », et qui a vendu ses services à beaucoup d’Etats américains. En 1988, un néo-nazi traîné en justice lui demande d’aller visiter les chambres à gaz d’Auschwitz et de témoigner pour lui. Clandestinement, Leuchter part en Pologne pour se faire « son idée » sur les chambres à gaz. Après des recherches sommaires et artisanales, il revient convaincu que l’extermination des juifs n’avait pas eu lieu.
De quoi s’agit-il exactement ? Du portrait d’un homme borné, ignorant, qui se croit brusquement investi d’une mission prophétique ? D’une fascination malsaine pour la mort, sensible dès les premières minutes du film, et censée être à l’origine d’une dérive idéologique ? Difficile de trouver le véritable sujet de ce documentaire, et de clarifier les intentions d’Errol Morris. L’absence de regard réellement critique et une impartialité plutôt gênante font que Mr Death, dans sa deuxième partie, finit par casser les œufs sur lesquels il marchait depuis le début. Le film avance des preuves, les réfute, baladant ainsi le spectateur pendant une heure et demie à peine plus enrichissante qu’une discussion de comptoir sur les œuvres complètes de Roger Garaudy. Le négationnisme n’y est pas analysé, ni décrypté comme une conduite pathologique, le refus d’accepter ou même de se représenter la Shoah étant souvent accompagné d’une paranoïa généralisée face à la société et à son histoire. Mr Death se réfugie derrière une pseudo-objectivité et une argumentation fumeuse. Quant à son héros, triste pantin s’étant jeté dans la gueule du loup, on lui appliquerait volontiers la phrase de Camus : « il se croyait plus intelligent que tout le monde, comme tous les imbéciles. » Un film inutile et malsain.