Qu’on se le dise : les années 80 sont à la mode. Voir la tendance aux vêtements vaguement punks dans la haute couture et l’exhumation fumeuse des fameux « hits » du Top 50. Il ne manquait plus que le cinéma, ce qui est maintenant chose faite avec le come-back du réalisateur culte de ces années chic et choc : Jean-Jacques Beineix. En deux films, Diva (1981) et, surtout, 37°2 le matin (1986), Beineix fut promu chef de file des cinéastes branchés (Madonna ne déclarait-elle pas à tout vent qu’elle avait adoré « Betty Blue » ?). Après un échec retentissant, IP5 : L’île aux pachydermes (1992), et une tentative de reconversion dans la peinture et le documentaire, le voici de retour dans le domaine de la fiction. L’occasion de vérifier la réputation surfaite de ce faiseur d’images qui a bloqué son compteur dans les 80’s…
Mortel transfert n’est pas le mortel ennui que la bande-annonce semble promettre à ses futurs spectateurs. On y rit beaucoup, même si c’est aux dépens du film. Car le nouvel opus de Beineix collectionne les maladresses, les invraisemblances et le mauvais goût avec une telle ardeur qu’on ne peut y rester insensible, comme devant n’importe qu’elle série B qui se respecte. Le problème, c’est que le film n’a pas du tout été conçu dans cette optique et se présente plutôt comme un « polar psychologique » de grande classe. On est sensé y suivre les atermoiements d’un psychanalyste (Jean-Hughes Anglade, qu’on préfère de loin chez Chéreau, même s’il ne s’en sort pas trop mal) qui croit avoir étranglé sa séduisante patiente (Hélène de Fougerolles qui aurait dû, tout compte fait, refuser le rôle) adepte de jeux sadomasochistes. Alors qu’il tente de cacher le cadavre, le psy doit faire face à une série d’individus plus ou moins à la recherche de la pauvre fille : le mari, politicard véreux, le patient amoureux, le clodo philosophe, le copain commissaire, etc.
Sans souci du rythme et d’originalité, Beineix se contente d’aligner les conversations en champ-contre-champ. De toute façon, son truc à lui c’est l’ambiance, ce concept phare des années 80. Pas besoin de se casser la tête, suffit de truffer le film de filtres colorés -ah, les célèbres plans bleutés de 37°2 ! Pour le reste, tout est à l’unisson, au ras des pâquerettes de l’apparence. Suspens à deux balles (et tout est bien expliqué à la fin), références psychanalytiques lourdingues (le film a bénéficié des conseils d’un authentique psy et ça se sent !), incursion obligée dans l’étrange avec la ridicule scène de nécrophilie dans le cimetière, et, cerise sur le gâteau, la séquence finale des retrouvailles du couple amoureux sur un pont de Paris, agrémentée d’une musique chinoise comme au bon vieux temps des spots Bolino. Plus qu’un film, Mortel transfert est un voyage dans le temps, une excursion en plein cœur d’une époque révolue pour tous, exceptée pour Jean-Jacques Beineix, véritable « hibernatus » coincé à l’ère de la frime et des couleurs criardes d’une esthétique publicitaire qui a décidément bien mal vieilli.