Curiosité que ce Monsters, buzzé par quelques initiés depuis son passage à Locarno. On annonçait le petit bijou d’un bricoleur inspiré, capable de fabriquer une SF intelligente avec rien – quinze mille dollars pour être précis. Pourquoi pas : la brèche ouverte par Cloverfield a bien permis au fantastique fauché de s’émanciper, prônant un appareillage plus maigre au profit d’une liberté esthétique décomplexée. Soit, le premier coup d’essai du nouveau venu Garteth Edwards a de la témérité à revendre, puisqu’il s’engage à faire trembler les foules avec trois bouts de ficelle, pour mieux les entraîner vers des terrains expérimentaux plus pointus. Mais les prouesses d’économie et de débrouillardise ne font pas un film, et le sens un peu vain véhiculé par le scénario ascétique suggère qu’il y a peut-être une limite à ne pas franchir dans le post-apocalyptique minimaliste.
Pour traverser une zone du Mexique infestée de créatures tentaculaires venues de l’espace, un photo-reporter nerveux et sa jolie protégée, fille de son rédac’ chef, choisissent une compagnie de passeurs peu recommandable. Le voyage est plus que risqué, les bestiaux pouvant frapper à tout instant. C’est évidemment sur cette attente, ressort de suspense vieux comme le monde, que joue Monsters : où et quand surgiront-ils ? La logique est poussée à outrance, et les pieuvres martiennes sont introduites avec la plus grande parcimonie, comme si le film voulait tordre l’étymologie de son titre – on a affaire à des monstres qu’il est financièrement impossible, précisément, de montrer. L’attention est ainsi recentrée sur la romance chevrotante vécue tout bas par les deux proies potentielles, laquelle tarde, elle aussi, à affleurer. Cette embardée hors du schéma traditionnel du film de monstres (des effusions de sang et de suc poisseux tous les quarts d’heure au moins) ne sert pas uniquement à éviter les effets spéciaux onéreux ; elle semble chercher maladroitement à jouer sur le hors-champ de l’épouvante SF, invitant le spectateur à travailler sa propre représentation de l’horreur, en le frustrant précisément de cette dernière. Le tour prête à l’ennui plus qu’à autre chose, d’autant que se glisse en prime une réflexion fumeuse sur le non-événement (rien ne se passe, les monstres n’arrivent jamais, la relation amoureuse ne prend pas). Traitée avec plus de verve et une mise en scène moins pâlichonne, cette idée incongrue du freak show lacunaire aurait pu aboutir à quelque chose de moins ténu que cette expérimentation lasse, dont le monstre est avant tout théorique.