Thriller comico-sentimental, Mon voisin le tueur ressemble de loin à une entreprise commerciale animée d’une redoutable roublardise. Activé par le télescopage de trois genres parmi les plus populaires et la mise en place d’un casting clinquant, le film s’applique à recycler les stéréotypes que chaque élément recèle individuellement. Trahisons, combines, coups de foudre, amitié sincère s’incarnent dans une distribution taillée sur mesure, avec Bruce Willis en mafieux futé au grand cœur et Matthew Perry en… Chandler (son personnage de la série Friends pour ceux qui auraient miraculeusement échappé au phénomène). Mais les meilleurs calculs ne donnent pas toujours des résultats du même ordre, et il y a fort à parier que les vaines agitations de ce voisinage faussement turbulent laisseront indifférente une bonne partie du public visé. Car malgré une carte alléchante, le menu ne tient pas ses promesses.
En fait de thriller, Jonathan Lynn nous sert une histoire cousue de fil blanc et proprement translucide, dont tous les tenants et aboutissants sont connus au bout d’un quart d’heure. Oz (Matthew Perry), dentiste fauché, est harcelé par une femme hystérique (Rosanna Arquette excellente en poufiasse avide d’argent qui parle anglais avec un immonde accent franco-canadien) qui le pousse à dénoncer leur voisin Jimmy La Tulipe (Bruce Willis), un tueur repenti en fuite dont la tête est mise à prix par un caïd, pour toucher la prime promise. Dans le même temps, celle-ci tente de trouver un professionnel capable d’éliminer son mari. Alors que l’on attend un univers de faux-semblants qui nous baladerait de fausses pistes en vraies révélations, les rôles sont clairement distribués dès le départ sans qu’aucun tour de passe-passe ne vienne retourner nos certitudes. Et malgré de plates digressions qui reposent sur des personnages programmés pour faire leur intéressant, pas un seul rebondissement digne de ce nom dans le récit ne vient relancer un soupçon de suspense. Mon voisin le tueur s’étend comme cela sur plus de 90 minutes, agrémenté tantôt par quelques pitreries supposées attendrissantes de l’ami dentiste ou de son assistante, une groupie de Jimmy La Tulipe, tantôt par les coups de cœur d’un assassin en passe de perdre sa carapace. Un long fleuve tranquille donc, canalisé par une mise en scène tout en creux, qui se limite à un rôle de réceptacle conduisant le flot des péripéties du début du film jusqu’à sa fin.