Hitler coaché par un professeur d’art dramatique juif. Garantie par de vagues origines véridiques, cette histoire tape-à-l’oeil et culottée, demanderait une sacrée dose de burlesque et de grincements, un comique tordu (peut-être plus polonais qu’allemand) pour réussir son coup. Au lieu de ça, Mon führer, tente avec une mièvrerie très déplacée d’humaniser (et donc d’excuser) le Führer à grand renfort de clichés psychologiques. Le pauvre homme vieillissant (1942), dépressif et manipulé raconte ses rêves, ses angoisses et ses complexes au professeur juif bienveillant. Ni bouffonnerie ni affrontement, au contraire, Dani Levy, comme on dit, ménage la chèvre et le chou. Confit dans une morale bienheureuse et lénifiante, nourrie au petit lait décérébré de La Vie est belle, il nous sert, sourire aux lèvres l’amitié poisseuse du dictateur décati et du juif compréhensif.
Et bien sûr, comme l’affaire est grave, très contrit, Levy habille son image en gris quand il est question des juifs et des camps (entraperçus vite fait au début), nous colle un acteur plombé (Ulrich Mühe) et ressert comme seule arme comique l’imagerie affligeante d’un Hitler infantilisé, pyjama, pipi au lit et compagnie (pour situer, dans Faut que ça danse !, Noémie Lvovsky en raffolait aussi). Un gag, quand même arrive vers la fin quand on ne l’attendait plus : Hitler le jour de son grand discours public s’agite pendant qu’on le rase et perd la moitié de sa moustache fétiche. Les mimiques exagérées de l’acteur (Helge Schneider, qui heureusement amène un peu de grimaces dans ce fatras psychologique), gros yeux, stupeur, l’énormité de l’enchaînement avec, en conséquence de sa fureur, une extinction de voix, produisent quelques minutes inespérées plutôt bien réussies. Hitler finit certes par ressembler à un pantin kadhafiesque plutôt qu’à ce gros papi pleurnichard, mais trop tard, la niaiserie moralisatrice reste au pouvoir. En résumé, l’Histoire par le petit bout de la lorgnette ramène ses acteurs à leurs petites affaires et enjolive le tout par un nivellement inquiétant.