« J’avais un frère et deux sœurs, ils ont été vendus. Lina est morte à Naples, les deux autres ont été envoyés aux Etats-Unis. Depuis, je ne sais plus rien. » À partir de cet argument, Basile Sallustio construit un film qui, entre exemple d’une période historique mal connue et pathos débordant, ne choisit pas son camp.
Plantons le décor : l’Italie d’après-guerre, surtout méridionale, est pauvre. Les Etats-Unis qui entrent dans les Trente Glorieuses sont riches. Alors que vivres et liquidités financières arrivent du nouveau continent, des orphelins ou enfants de familles déshérités font le chemin inverse pour être adoptés. Comme aujourd’hui, le contrat d’adoption stipule que la famille biologique ne doit rien savoir de la vie nouvelle des enfants abandonnés. 46 ans après le départ de ses frères et sœurs, Pia, la tante du réalisateur se heurte donc dans sa recherche à la loi du silence, la trop fameuse Omerta. Pia interroge tour à tour les anciens membres du clergé local, les autorités du Vatican (organisatrices au travers d’une organisation aujourd’hui dissoute la POA –Oeuvre pontificale d’assistance– du trafic d’enfants), un hôpital, l’orphelinat où ses frères et sœurs ont attendu le départ : partout, les archives se sont évaporées ou n’ont pas gardé la trace de ceux qui ont emmené les jeunes Italiens. Cette partie est la plus intéressante du film, chaque intervenant, mis face à sa responsabilité dans cette émigration organisée, refuse de reconnaître son rôle. Or, quelque 10 000 enfants ont été ainsi transférés vers les Etats-Unis entre 1945 et 1965. Le parcours suivi par Pia, la caméra de Basile Sallustio sur son épaule, a donc été emprunté par de nombreux autres sans que l’Eglise catholique ne revienne sur cette période, pour le moins trouble de son histoire.
Côté pathos, Mon Frère, ma sœur vendus pour quelques lires, n’évite pas quelques effets à la Perdu de vue : grosses larmes quand Pia se décourage où se sent proche du but, moment d’émotion en musique lors des retrouvailles (eh, oui…) avec son frère et sa sœur aux Etats-Unis, et petite fête folklo lors du retour en famille au pays.
S’il nous permet de prendre conscience que l’Italie, avant l’Albanie, la Roumanie ou le Vietnam, a vendu ses enfants, le film de Basile Sallustio reste bien trop à la surface, refusant toute véritable investigation au-delà du rideau des larmes.