Millénium 2, adaptation du roman que l’on sait au point virgule près (dixit la prod), entre dans la catégorie ingrate des film pour fans. Malgré sa fidélité absolue au texte, il décevra forcément le lecteur et même le profane (dont nous sommes) se raccrochant à la réputation mondiale de ce best seller décrit comme archi haletant. Alors qu’on nous vendait un thriller archi malsain (« la fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette », en voilà un titre qui en jette), on nous sert un Cluedo gothique à peine plus virtuose qu’un épisode de Siska. Pas si aberrant puisque Millénium 2 est à l’origine le segment d’une télésuite suédoise remontée pour les besoins d’une sortie cinéma, et qu’il est signé de la même équipe que le premier Millénium (seul le réalisateur a changé), film Relay H du même tonneau déjà tombé aux oubliettes.
Le scénario balance une nouvelle enquête sur les bras de Mickael Blomqvist, rédacteur en chef super futé, qui concerne son ex assistante Lisbeth Salander, hackeuse accusée à tort d’un triple meurtre et bien déterminée à résoudre l’affaire. En résultent deux enquêtes parallèles qui finissent par se chevaucher gentiment (Jean Christophe Grangé fait des émules jusqu’en Suède), mouvement de balancier répartissant la fiction en doses rationnées. Les questions qui dérangent, les éclaircissements et les témoins non violents sont pour le journaliste aux yeux de cocker compatissant ; la punquette Noomi Rapace (pas mal), elle, se charge de la psychologie, du mélo et de la distribution de baffes.
On comprend vite pourquoi ce récit bicéphale ne fonctionne pas, puisque ce dernier, aussi épais que le pavé de Stieg Larsson, menace de s’engorger à chaque instant, ployant sous les révélations, les petits détails intimes et autres cliches politiques plus lourds qu’un âne mort (les vieux notables pervers trempés dans la luxure, l’espionnage et la mafia). Bien que les deux Sherlock se montrent très prompts à démêler l’écheveau d’énigmes qui se dresse sur leur route, le thriller piétine quand même : un nouveau personnage apparaît toutes les cinq minutes, nécessitant une pause clope, un coup de fil, une parlotte supplémentaire (même le finale, climax sanguinolent, impose une petite discute entre deux coups de hache). Et quand les deux limiers se succèdent par hasard devant le même témoin, c’est double ration de débriefing.
Pour ne rien arranger, le film s’amuse aussi à fragmenter l’espace, passant des ruelles de Stockholm aux petits villages paumés dans la montagne, sans que rien ne s’enracine vraiment. Sans âme, ni noblesse (visuellement, la mise en scène hésite entre naturalisme glauque et kitch BD), Millenium 2 est surtout un film qui grince et qui couine (tempo haché par le montage télé originel, personnages développés une fois sur deux), emprunt d’une niaiserie formelle qui confine à un amateurisme embarrassé. Si la contrainte de la fidélité au roman d’origine est une voie de garage classique au cinéma, elle est pourtant mieux appréhendée par le moindre tâcheron hollywoodien que par un faiseur suédois par nature débutant – l’entertainment nordique est né avec le premier Millénium. L’espoir d’un bon Millénium est donc permis. Pas le numéro 3, déjà vu, du même acabit, et du même auteur (il sort le 28 juillet prochain), mais le futur remake que prépare actuellement David Fincher et qu’on espère d’une autre trempe.