En pleine guerre d’Algérie, un couple de villageois berrichons recueille un gamin de l’assistance public. Problème : il est arabe, ce qui n’est pas hyper tendance, surtout aux yeux du mari (Gégé), vétéran d’Indochine et gaulliste patenté. Nathalie Baye le maquille alors en bon petit gars du Nord et le renomme Michel. Curé et instituteur (de gauche) acceptent de jouer le jeu tout comme le gamin, finalement très à l’aise en petit pécore.
Thomas Gilou renoue avec l’imposture communautaire qui avait fait le succès de La Vérité si je mens. Dispositif assaisonné cette fois d’une louche de radiographie politique, laquelle, forcément, pose question aux Français que nous sommes. Mais rapidement, puisque que le défi consiste surtout à ne contrarier personne. Gilou avait-il d’autre choix que de matelasser la subversion de son film d’un programme de réconciliation nationale ? Michou d’Auber est trop formaté pour qu’on en doute vraiment. Avec Nathalie Baye et Gérard Depardieu en figures emblématiques, peut-on vraiment imaginer la France renvoyer à son racisme ordinaire ? Même Indigènes s’y risquait à moitié, c’est dire si la morale de Michou d’Auber est pliée en trois séquences : pas raciste la France, juste un peu bourrue, un peu ignare, un peu plouc.
Ainsi, le film déballe une panoplie de clichés sociologiques, croqués avec la méthode d’un bon caricaturiste de plage : plutôt vite et bien. D’un côté, les anciens combattants du bistrot, de l’autre la masse persifleuse (les femmes au salon de coiffure). En marge encore, le faible contingent progressiste (l’instit via lequel Amalric s’autoparodie comme dans le dernier Pascal Thomas), puis au centre, le couple Super-Dupont, humain, truculent et glamour, bref, rassembleur à mort. C’est là que Gilou dérape, pris à son propre piège de consensus mou. L’ambition de croquer une France des années 60 digne de l’occupation s’éloigne peu à peu comme si, subitement, le film avait peur d’aller au bout de sa logique. Au fil des bobines, les racistes troquent leurs colliers d’oreilles Fellagas contre un analphabétisme de pieds nickelés. Pire encore : la pensée gaulliste passe d’un colonialisme abject à une ode à la tolérance qui fait sourire -le fameux « Je vous ai compris » en soutien aux juifs pieds-noirs, est pour ainsi dire, retourné par Depardieu, inconditionnel du Général. Ouf, la France peut souffler. Pas de doute, Michou d’auber passera pour un beau film citoyen, courageux et tout. Parce qu’il fait peur et qu’il rassure tout de suite après.