Faut-il créer un comité de sauvetage du cinéma anglais ? Faut-il passer par les armes tous les cinéastes d’outre-Manche ? Faut-il simplement fermer les yeux et attendre patiemment que cesse la mascarade ? Telles sont les premières réactions d’un spectateur bienveillant sortant de la projection du film Metroland. Peut-être si, lors de sa sortie, nous avions lu le livre de Julian Barnes qui donne son titre au film, aurions-nous évité d’aller voir son adaptation par le nouveau tâcheron du cinéma anglais. Mais tel ne fut pas le cas ; nous parlerons donc du film.
Un scénario ne fait certes pas un film, mais là il faut bien dire que le script laisse présager du pire. Un anglais moyen vivant dans une banlieue poussiéreuse de Londres, sent son ménage battre de l’aile. Le retour inattendu de son meilleur ami, écrivain raté, lui remémore sa jeunesse et son voyage à Paris sous fond de mai 68. Il repense à son flirt d’alors -qu’incarne notre bonne Elsa Zylberstein.
Saville réussit l’exploit non négligeable de faire de son film le répertoire des défauts à éviter à tout prix à l’instant où l’on se met en tête de faire un film, à savoir, dans le désordre : psychologisation à outrance des personnages (« Mais tu ne vois donc pas qu’il te dénigre parce que tu as la vie qu’il aurait aimé avoir », dit à notre héros sa doctoresse es-psychologie de femme, évoquant l’ami rebelle), exotisme à la petite semaine (pourra-t-on se remettre de la vision de mai 68 de Philip Saville, qui selon ses propres dires est « l’époque où le velours côtelé, les croissants et la Nouvelle Vague faisaient fureur à Paris » – il faut noter que pour lui Bresson fait partie de la Nouvelle Vague, ce qui donne une idée plus nette de notre bonhomme) etc., etc.
Parler de mise en scène serait ici dépasser de loin ce que l’on voit et prêter à notre homme une capacité intellectuelle qu’on peut sans risque lui dénier. Car après avoir subi ce film on comprend mieux ce que veut dire « sortir du cinéma plus bête qu’on y est entré ». La bêtise est contagieuse et il vaut mieux s‘en prévaloir.
En ces temps où le conventionnel triomphe de toute part, Philip Saville a décidé de hurler avec les loups, bien qu’il soit lui-même un dindon. Son film n’est qu’un hymne à la normalité qui, s’il raille le rôle suspect et quelque fois complaisant des « artistes maudits », tire de cette raillerie des conclusions plus que douteuses. Mieux vaut rentrer dans le rang, mieux vaut oublier ses rêves, mieux vaut manger que rêver d’idéaux. Tout cela sent fort la prostitution et à coup sûr ce bon vieil esprit réactionnaire qui est si prompt à refaire surface. Mais Saville ne se contente pas de dire n’importe quoi, il le dit (le montre) n’importe comment. Mais à quoi bon essayer de couler un film qui se saborde lui-même ?
Il y a juste quarante ans Jean-Luc Godard écrivait dans une critique d’un film heureusement oublié de Jack Lee Thomson : « Il faut vraiment se creuser la tête pour trouver quelque chose à dire sur un film anglais ». Force est de constater qu’il en est toujours de même et que notre patience commence à atteindre ses limites.