Si une tendance peut être relevée, en cette rentrée 2009, c’est bien celle d’une fidélité du cinéma français à des thématiques ayant contribué à assoir – plus ou moins justement – son image « nombriliste ». Alors que se sont succédés fin août-début septembre les films d’adultère rejouant mollement la carte « femme d’à côté » (Partir de Catherine Corsini, Les Regrets de Cédric Khan… ou la love story sauce Julien Clerc ou Alain Souchon), se confirme avec Mères et filles, un mois après Non, ma fille tu n’iras pas danser de Christophe Honoré, un retour au règlement de comptes et à l’accouchement des vérités, après come-back de la grande fille dans le foyer familial. Un drôle de hasard fait que d’un film à l’autre, c’est Chiara Mastroïanni et Catherine Deneuve qui seront amenées à incarner, chacune dans son coin, ce malaise dans la filiation. On serait tenté de tirer encore quelques ficelles de ce jeu des correspondances, mais cela amènerait à penser que c’est une manière comme une autre d’esquiver l’évaluation de ce seul Mères et filles. Or, il y a beaucoup de choses à dire, sur Mères et filles, et pas des plus agréables.
Audrey, trentenaire ayant élu résidence au Canada, vient passer quelques jours chez ses parents, établis depuis toujours près du Bassin d’Arcachon. Enfin, pas vraiment « chez ses parents », mais dans la maison d’enfance de sa mère, Martine, située à quelques kilomètres de la résidence parentale (se comprend assez tôt qu’entre mère et fille, la promiscuité promet quelques frictions). Au fil de son installation, la jeune femme tombera sur le journal intime de Louise, sa grand-mère, connue pour avoir abandonné, au cœur des années 50, son mari et ses deux enfants. L’enjeu sera alors pour Audrey (Marina Hands) de percer le mystère de cet abandon, qui serait la source du malaise l’empêchant depuis toujours de s’accorder avec sa mère (Catherine Deneuve). Ainsi, Julie Lopes-Curval fait-elle reposer l’intégralité de son troisième long métrage sur le socle branlant d’une très ennuyeuse quête de sens. Moins sur fond de purs flash-backs que de tentatives (ratées) de croisements spatio-temporels entre la petite fille et sa grand-mère (incarnée par Marie-Josée Croze), le film avance à petits pas timides vers le dévoilement d’un secret de famille pour lequel il est difficile – pour ne pas dire impossible – de se passionner durablement.
Ce qui sauvait un peu le film d’Honoré, c’était, outre la relative variété de tons inhérente à son statut de film choral, la mise en place d’une progressive perte d’équilibre du personnage de Chiara Mastroïanni, mère de deux enfants incertaine de pouvoir tenir encore longtemps le rôle exigé par ses proches et la société. Comme si une figure typique du triptyque « jeunesse parisienne » du cinéaste se retrouvait bloquée dans le cadre plus suffocant de ses deux premiers films, Ma mère et 17 fois Cécile Cassard. Si le mélange des tonalités manquait un peu de sel, restait une certaine cohérence esthétique, une tenue auteuriste permettant aux fans d’Honoré de trouver ici et là quelques repères. Là où Mères et filles pêche au contraire par l’insurmontable absence de style, de placement de son auteur quant à l’établissement même de son récit. Les scènes se succèdent, d’une époque à l’autre, d’une maison à l’autre, sans que ne se fasse jamais sentir le cheminement vers une résolution de l’énigme. Si bien qu’à l’instant où est dévoilée la clé du mystère, c’est à la fatale explication d’un texte déjà surécrit que l’on se trouve douloureusement confronté.