Merci pour le geste traite le sujet toujours difficile de la vie dans la rue. Le réalisateur suit un sans-abri, « il », au plus près de ses gestes et de ses émotions, et nous le montre à un moment de sa vie où il retrouve ceux qu’il a dû quitter un jour pour des raisons économiques : son ex-femme remariée et sa fille. Le film pose largement la question de savoir si son salut peut passer par ces retrouvailles avec les êtres de sa vie d’avant. Comment les autres peuvent-ils le sortir de sa solitude et de sa détresse ? En sont-ils capables ? N’y a-t-il pas déjà trop de distance entre eux ? Malgré le passé commun des sentiments qui réchauffe la froide solitude. Malgré les liens filiaux qui unissent un père et une fille.
La force du film, c’est de faire le portrait de son personnage au premier degré. Là où les frères Dardenne projettent un fort désir de cinéma sur une exclue et la transforment, par une mise en scène au forceps, en héroïne d’un genre nouveau, dont les manques sont retournés, presque un à un, en principes d’action, Claude Faraldo se soumet totalement à l’univers sonore et mental qui fait la vie de son personnage. Rien de flamboyant ici. Le film apparaît souvent comme un document brut, enregistrant, à la distance la plus juste, l’errance d' »il » dans les rues de Paris. Cette soumission à la matière du réel n’est bien sûr qu’apparente. En effet, le choix d’une esthétique de reportage, reconnaissable au grain de l’image numérique et aux zooms répétés de la fameuse petite caméra, va de pair avec un travail sur le son, assez sophistiqué et qui tente de rendre au plus juste l’univers sonore qui accompagne une vie dans la rue. Sont particulièrement réussies les transitions très brutales qui assurent le passage entre les souvenirs heureux du passé qu’ »il » retrouve dans son sommeil et les agressions et interpellations extérieures le stigmatisant comme SDF.
Pourtant, le film ne convainc pas vraiment. D’abord, l’humilité de Faraldo devant son sujet finit par gêner. Certes, l’interprétation de Jacques Hansen est d’une grande force, et Faraldo laisse vivre son personnage ; mais chaque fois qu’un tiers vient troubler le rapport d’ »il » avec son chien, le ton s’alourdit, comme si le réalisateur ne parvenait pas à filmer les atteintes à la liberté de son personnage sans forcer le trait. Comme s’il ne parvenait pas à confronter son personnage à ses ennemis avec la même justesse qu’il a pour filmer sa solitude. C’est souvent la caricature sociale qui casse la cohérence du film : police trop antipathique, bourgeoisie trop agressive, cuisinière trop confidente. Peut-être le problème du film est de ne pouvoir dépasser, sur un tel sujet, le stade humain de la compassion généreuse. Le film de Faraldo est donc trop humain. C’est à peine un défaut.