Quand on veut réaliser un grand film et que l’on se plante, il vaut mieux tomber de très haut en restant fidèle à certains principes, que de se crasher en rase-mottes, en essayant de plaire ou de séduire tout le monde. Méditerranées appartient à la première catégorie, ce qui est tout à son honneur, car Méditerranées est un film raté dont l’ambition est grande : il s’agit à la fois de montrer –filmer– Marseille (ses cités, son club de foot, son pastaga…), de mettre en scène une tragédie shakespearienne avec meurtres, trahisons, amours impossibles, etc., comme de réaliser une fiction brutale, acérée et sans concessions, sur fond de tensions raciales et de bêtise ordinaire. Nous sommes donc, ici, dans un film de genre désormais reconnu -le cinéma marseillais-, mais à des années lumières de la niaiserie des Collègues, ou de l’angélisme pontifiant de Guédiguian ; Bérenger essaie de faire un film-somme, entre le polar abstrait et le drame rédempteur.
Le problème est que ça ne marche pas… L’intrigue est, somme toute, classique : un gars revient à Marseille après sept années de taule. En essayant de s’adapter à un monde qu’il ne connaît plus, il va déchaîner une violence qu’il n’imaginait pas. Le récit, lui, est complexe, embrouillé, voire franchement incompréhensible. Alternant d’interminables séquences contemplatives et silencieuses (sourdes ?), avec de courtes séquences où la violente éclate de façon distancée -presque chorégraphique-, comme avec des scènes explicatives mal dialoguées et mal interprétées, Bérenger s’embourbe avec une certaine sincérité, préférant l’expressionnisme abstrait au naturalisme de circonstance. Nous sommes parfois touchés par certains moments de grâce (l’arrivée dans la cité, la baignade finale) tandis que le plan suivant nous fait douter de la réelle capacité du réalisateur à nous raconter une histoire – sa vision du monde cadrée. Assez rapidement, nous nous détachons peu à peu de l’action, peu aidée -c’est vrai-, par les prestations trop caricaturales des comédiens. Le héros, littéralement écorché, -exploité comme un corps brut qui ne cesse de recevoir des coups- finit par nous ennuyer avec son trop plein de souffrance. Nous assistons alors, vaguement absent, à une suite de séquences, certes parfois saisissantes (le stade du vélodrome dont les coulisses se transforment en arénes), mais trop souvent ratées pour empêcher le film d’échapper à la plantade. Au final, Méditerranées est un film qui apparaît comme innocent (dans tous les sens du terme) ; en soi, c’est assez rare pour être quand même remarqué et apprécié.