McDull dans les nuages, c’est d’abord l’intrigue d’un petit homme en forme de porcinet maladroit et rêveur peu en phase avec la réalité frénétique de Hongkong : une histoire d’élans et d’aspirations manqués (« dull » = terne), pris dans l’étau d’une société qui ne laisse le temps de rien (un épanouissement frustré par une mère pressante, des rêves d’évasion ternis par la grisaille urbaine). De cette fable assez dépressive, les auteurs ont fait une œuvre extrêmement ludique et, sinon joyeuse, une sorte de guirlande de traces sensibles et de minuscules morceaux de bonheur tapis au milieu de la noirceur ambiante.
Car McDull, c’est aussi, et surtout, un jeu complètement délirant de formes (infographies 3D, brouillons primitifs, animation classique, prises de vue réelles) et un grand fourre-tout de prétextes névrotiques (un mot, un bruit, une image, une pensée) qui sont autant d’occasion de saynètes rêveuses et de gags compulsifs, d’envolées colorées ou de retombées abracadabrantes. La manière dont le film transforme une scène de malaise (au restaurant, passer commande) en une inextricable pelote de burlesque exténué, fait de la compétitivité de la mère un tremplin aux plus affolantes échappées comiques (McDull devra être champion olympique de « l’arraché de brioches », une tradition ancestrale oubliée), fixent un univers à la fantaisie et à la singularité stupéfiantes.
Si le film, toujours, en revient à sa morale mélancolique (les plans sur la ville vue comme un grand labyrinthe désaffecté, le devenir du petit McDull en fonctionnaire lambda), il tire de ses micro-événements une charge d’imaginaire jamais anodine : d’un clip d’agence de voyage vu à la TV, McDull fait un instant suspendu dans les étoiles. Il convaincra même sa mère de l’emmener une journée aux Maldives. Rêvée ou non, cette journée imprime le film comme les formes toujours renouvelées d’un éclatant graffiti.
Il s’agit tant bien que mal, ici, de tirer d’un grand abîme supra-consumériste (manger de la dinde à Noël = un délire fascinant de plus d’un quart d’heure) tout ce que la naïveté d’un enfant peut transformer d’un regard. Et si la nausée l’emporte in extremis (la dinde dont on ressort dégoûté à vie), tous ces instants, tous ces petits bonheurs, ont imprimé McDull à jamais. C’est la grande force du film : sa manière de ne jamais perdre de vue le réel (la conclusion plutôt amère du film en prises de vue classique) tout en ramenant de ses failles, dans lesquelles on s’engouffre à la moindre occasion, d’incandescentes pépites d’enfance et de féerie.