Deux intérêts à Marebito : son réalisateur, l’intéressant Takashi Shimizu, et son acteur principal, le passionnant Shinya Tsukamoto. Un problème, aussi : Shimizu est plus intéressant comme cas social du cinéma refaisant toujours le même film (Ju-on) que comme réalisateur, et Shinya Tsukamoto meilleur cinéaste qu’acteur. Résultat, un film a priori aguichant sans le moindre intérêt au final, sorte d’énième variation sur les films de spectre japonais. Un journaliste caméraman filme par hasard les images d’un suicide dans un couloir de métro. Panique morale, crise d’angoisse : l’homme décide d’aller au bout de sa peur et plonge dans les égouts de Tokyo, d’où il ramène une belle goule qu’il nourrit de sang animal, puis humain.
Devenu serial-killer, le personnage de Tsukamoto fini par ne plus savoir comment rendre heureux son amoureuse lorsque celle-ci perd goût à la vie. Il lui faudra la raccompagner dans les égouts. Outre son intrigue lamentable, le film souffre d’un déficit de mise en scène dissimulé sous une multitude de poils à gratter formels : image numérique crasseuse, multiplicité des écrans dans le cadre, modernisme en veux-tu en voilà, grosse tendance à la lapalissade visuelle (les faux cadres travaillés, en décrochage ou décalés par rapport à l’action). Comment Shimizu, après avoir usé jusqu’à la moelle un premier film devenu culte, notamment avec son remake américain très fade (The Grudge) peut-il se sortir d’une telle impasse ? Le cinéaste est déjà parti pour une nouvelle suite de ses suites et incarne désormais une sorte de matérialisation humaine de Cube : une vie de cinéaste dans une pièce étriquée comme un dé à coudre qu’il s’agit de filmer et de refilmer jusqu’à l’écœurement.
La seule idée de Marebito tient dans un petit portable acheté par le héros qui lui permet d’être en relation directe avec son appartement via une webcam : de là, il peut observer les réactions de la goule, qui s’énerve ou s’endort selon son degré de famine. Le téléphone devient une sorte de gadget cinématographique dont le film use avec une lourdeur fascinante. Le cinéma de Shimizu est obsessionnellement creux, fasciné par la vacuité et la fadeur des nouvelles images aussi vite démodées qu’apparues. Avec le remake de Dark water de Walter Salles (cf. plutôt l’original de Nakata, indépassable), en salles bientôt, nul doute que le temps est à la régression pour le genre fameux des spectres nippons sauce hi-tech : à moins d’un nouveau prototype signé Nakata ou Kurosawa, plus personne, bientôt, ne le considérera mieux que comme une aimable vieillerie.