Il est frappant d’observer avec quelle rapidité le cinéma roumain évolue : c’était notable cette année dans Policier, adjectif, beau policier moderne qui n’en avait que pour son modeste enquêteur, puis dans les nouveaux sketchs des Contes de l’âge d’or (deuxième partie), lesquels développaient une dimension intimiste et sentimentale plus prononcée que chez leurs prédécesseurs. Mardi après Noël enfonce le clou : toute trace de folklore a définitivement disparu. Pas trace non plus de l’Histoire ni de Ceausescu : le film ne s’écarte jamais d’un quotidien strictement contemporain. Surtout, les précédents films de la nouvelle vague roumaine tendaient à utiliser leurs intrigues pour métaphoriser le pays et ses transformations ; les trajectoires de Paul et Raluca ne représentent rien d’autre qu’elles-mêmes, dans ce qu’elles ont de plus prosaïque.
Munteanu s’inscrit nettement dans un genre qui serai celui de la crise de couple, reprenant ce fil de la modernité jamais vraiment abandonné depuis Voyage en Italie – voire L’Aurore. Mais se démarque sur plusieurs points : le cinéma de la crise de couple a généralement tendance à se complaire dans une certaine indécision (la femme, la maitresse… ?), à multiplier les faux départs et les vrais retours. Rien de tel ici : Mardi après Noël est parfaitement rectiligne, et tranchant : Paul trompe sa femme, finit par le lui dire, la quitte. Cette radioscopie pourrait paraître excessivement clinique, pourtant plusieurs choses parviennent à nous faire dépasser cette froideur apparente : des personnages parfaitement dessinés, d’excellents acteurs (la petite fille est vraiment très bien, ce n’est pas si fréquent chez les enfants-acteurs), enfin et surtout une manière très intuitive de laisser les scènes se déployer dans leur juste durée. Les longues discussions au lit après l’amour, les achats de Noël, témoignent ainsi d’un joli sens naturaliste, assez proche sur ce point d’Everyone else, sorti aussi cette semaine : rien de transcendant peut-être, mais cette simplicité, cette précision inspirée leur permettent au moins de retrouver une certaine fraicheur, là où des tentatives plus apprêtées comme Un Couple parfait ou Copie conforme paraissaient complètement engluées dans l’héritage de Rossellini ou Bergman. Moins gorgés de cinéma d’auteur, Radu Munteanu et Maren Ade ne renouvellent peut-être pas grand-chose, mais livrent au même moment deux belles propositions.