L’esbroufe est l’ennemi de l’artiste, surtout au cinéma, où les images sont déjà, presque par nature, chargées de sens et de puissance. En faire trop devient ainsi un péché quasi impardonnable, une faute irrémédiable, qui engloutit dans un fatras de vaine virtuosité tout ce que le cinéaste cherche à nous dire, cette émotion qu’il souhaite nous transmettre.
Que le film soit français, américain, québécois ou indien, comme ici, ne change rien à l’affaire : trop d’esbroufe tue le talent et assomme le spectateur. Et c’est ce qui plombe Malli. La belle idée du film -une « terroriste » indienne (la Malli du titre), embarquée dans une mission suicide, remet tout en question le jour où elle découvre qu’elle est enceinte- est lourdement illustrée et gâchée par une mise en scène beaucoup trop démonstrative. Pourquoi commencer ainsi avec cet écran noir, regard subjectif d’un homme encagoulé sur le point d’être exécuté ? Séquence d’autant plus étonnante que, précisément, plus jamais le film n’adoptera le point de vue des victimes (le cinéaste a pris le parti de ne pas s’interroger sur les méthodes pour le moins expéditives du groupe de Malli)… En privilégiant l’effet sur la mise en scène, la « pose » sur la réflexion, le cinéma de Santosh Sivan produit surtout du contresens.
Il en va de même pour l’utilisation de la musique, insupportable souffle récurrent qui écrase l’héroïne au lieu de refléter son dilemme intérieur… Et que penser de cette glorification épique que le cinéaste entretient savamment au travers de son montage (Malli courant vers sa destinée au ralenti), de ses cadrages (Malli de profil avec une superbe cascade en fond visuel), de sa mise en scène en général (ce chef des terroristes que l’on ne voit jamais…) ? Est-ce que le sujet de Malli, le combat d’une vie s’y prêtait vraiment ? Tout cela ne demandait-il pas un peu plus de mesure, de silence, de finesse ? C’est d’autant plus dommage que certaines scènes réussissent à distiller, sans emphase ni grandiloquence, un charme bien mystérieux. Notamment celles où Malli observe, incrédule et fascinée, cette femme immobile et éteinte depuis la mort de son fils… Le contraste de cette mère en puissance, virtuellement morte, avec cette autre, détruite par le décès de son enfant, est certainement ce qu’il y a de plus tragique dans Malli ; c’est aussi ce qui est filmé avec le plus de maîtrise et de sobriété, avec le plus de recul. Comme par hasard.