Depuis la petite bombe Brice de Nice, James Huth jouissait d’une petite aura difficile à évaluer, sinon par son aspect idéalement dujardinesque : un faiseur pas trop manchot capable de faire briller les éclats de génie de l’agent OSS dans un petit univers acidulé très BD. C’est peu dire que Lucky Luke, qui signe le grand retour du duo, était attendu, promesse d’une nouvelle rasade de Brice attitude revue et corrigée par l’esprit de Morris et Goscinny. Dès les premières images, ça coince : la reconstitution criarde des décors familiers du cowboy solitaire, tout en bleu jaune éclatant, masque difficilement sa triste matérialité (reconstitution bling bling façon cinéma de nouveau riche), aussi peu capable d’évoquer le moindre imaginaire de western que pouvait l’être la première partie navrante d’un Blueberry et ses allures d’interminable pub pour Renaud Mégane. Les effets vavavoum, le recours à des artifices dignes d’une parodie des Guignols, tout renvoie à la mesquinerie du petit one man show prosaïque boosté aux hormones Skyrock qui s’annonce.
La plus mauvaise surprise de Lucky Luke vient pourtant de Dujardin lui-même, moins bon que ses compères (Testud et surtout Youn en Billy the Kid), trop appliqué à parier sur une impossible mimesis avec son double de papier. La sauvagerie euphorique où s’épanouit souvent le jeu de l’acteur (à son meilleur : Brice de Nice, OSS) est comme contrite, étouffée par les enjeux un peu écrasants de l’adaptation. Surtout, Huth ne parvient à aucun instant à trouver un équilibre entre énergie du cartoon, truculence du western-spaghetti (et son appétit naturel pour la farce) et comédie Canal + calibrée, oubliant l’essentiel : le ton si particulier de la bande-dessinée, sa nonchalance dandy autant que son irrésistible humour cynique. Rien de tout cela ici, il faut donc s’en remettre à quelques moignons de gags, répliques, scènes renvoyant le film à ce qu’il est (un petit théâtre saturé et hystérique : la traque finale et le jeu de miroirs très forain), un semblant d’attraction de cirque dont les sympathiques intentions ne trouvent quasiment jamais matière à se constituer en film.