Devançons tout de suite le malentendu : il n’est pas question d’amour dans Love object. Ou alors il s’agit d’un amour peu ordinaire, qui ne fera incontestablement pas rêver les foules. Pensez donc : la tendre moitié du héros n’est qu’un « objet », un de ces mannequins hyperréalistes que l’on peut commander sur le Net (à condition bien sûr d’y mettre le prix). Difficile d’y croire quand le héros en question a tout pour être heureux : beau, talentueux, il est le cadre parfait, presque banal, d’une entreprise où il passe son temps à rédiger notules et manuels d’information. Mais c’est que tout n’est pas si rose dans son univers ; sa vie bascule le jour où, pour surmonter ses complexes, il fait l’acquisition d’une poupée à l’effigie de sa jolie collègue.
Evidemment, un tel sujet a peu de chance d’engendrer un étalage de beaux sentiments, et les scènes entre les deux « amants » ne sont rien moins que romantiques. C’est d’ailleurs lors de la première confrontation entre le héros et la poupée -aboutissant à la consommation expéditive de la marchandise- que Love object acquiert son identité de film laid, imprégné de bout en bout par la grossièreté. Rien ne sauve la société, glauque et sinistre jusqu’au dégoût, dans lequel sont piégés les personnages : car la vision que nous renvoie Robert Parigi de l’humanité est tellement détestable et sans espoir -à tel point que le film exclut toute compassion du spectateur envers les héros- qu’elle en devient vite insoutenable. Les individus de ce monde abject ne sont, comme ils le disent eux-mêmes, que « des robots, des machines », et contribuent, par leur absence totale d’expressivité, à rendre invisible la frontière entre êtres vivants et créatures inanimées.
Malheureusement, le réalisateur n’a même pas été capable d’assumer jusqu’au bout le pari de cette laideur absolue : le physique de jeunes premiers séduisants des deux acteurs principaux suffit à étouffer son projet dans l’oeuf. Au bout du compte, Love object n’est qu’une accumulation d’idées avortées ou ratées. Il ne devient un véritable film d’horreur que dans les dix dernières minutes, le temps d’une séquence de meurtre parfaitement écoeurante, où c’est peu de dire que l’hémoglobine coule à flots. Si on le conçoit comme une parabole des tares de la civilisation moderne, le film ne vaut guère mieux : il ne suffit pas de disposer d’un sujet original ou intéressant, encore faut-il avoir quelque chose à dire. Apparemment, Robert Parigi a oublié ce détail. Tant pis pour lui : il ne mérite pas, même pour son premier film, qu’on lui accorde la moindre indulgence.