Jour sombre à Manchester (en ce 27 mai : FCB 2 – 0 MU) : le prolétariat atomisé ne tient plus par l’espérance mais par l’amitié, et la dépression guette Eric, postier triste, fan de Man U et du King en particulier, dormant tout près de son poster grandeur nature. Eric va mal et pense même à s’effacer quand soudain, tel un bon génie sorti de sa lampe magique, apparaît Cantona, Eric. Oooh ! Aaah ! Cantona ! Avec lui, son ange gardien et son coach tout en proverbes sibyllins, Eric va remonter la pente et, épaulé par ses copains du boulot, du bistrot et du stade (mais plus Old Trafford, inaccessible désormais aux petites bourses, ex-enceinte populaire), se dépêtrer des embrouilles dans lesquels l’ont plongé ses mauvaises fréquentations de son beau-fiston. Looking for Eric est un conte sur la solidarité prolétarienne, et en cela un Loach de plus, sauf qu’il prend résolument le parti de la légèreté, comme guidé par le col relevé du philosophe number 7.
Et pour sortir des moments difficiles, avoir des amis c’est très utile : en ce verset tient le message du film. Pas de quoi apercevoir la lueur des grands soirs, certes, mais le film de Loach se tient dans le petit matin d’un optimisme du malgré tout qui, par les temps qui courent, est toujours bon à prendre. Canto, à défaut de se montrer hyper-convaincant en comédien (on le savait déjà un peu), prouve qu’il sait toujours, comme à sa grande époque, philosopher avec ses pieds, comme dans cette scène assez belle où Eric, le postier, l’entreprend sur ses buts les plus célèbres, tous ces gestes qui l’ont fait chavirer dans les foules chaleureuses d’Old Trafford et d’ailleurs. Eric, le King, ne se souvient de rien mais affirme, archives à l’appui, que son plus beau geste n’est pas son légendaire lob ni son kick contre un brailleur de Crystal Palace, n’est même pas un but, mais une passe, sublime, à Brian McClair. Gloire à Manchester United (en ce 27 mai : MU 0 – 2 FCB), et à l’ironie du sponsor dont le logo barre la poitrine de ses joueurs, AIG, le géant de l’assurance américain, qui fit la plus retentissante des faillites aux premières heures de la crise financière… Looking for Eric est un petit film assurément, sans ambition particulière sinon plaider un peu pour des valeurs que les détenteurs du pouvoir aujourd’hui, dé-com-ple-xés dans leurs 4×4 immatriculés à Neuilly, jugent rétrogrades, immobilistes, contre-réformistes. Qui pourrait en faire le reproche à Loach ? Le vent souffle où il veut.