Des nouvelles de Steve Buscemi, gueule cassée sympa du cinéma indé américain, plus trop dans le coup depuis les années 2000 – Animal factory, son dernier film en tant que réalisateur -, hormis son incroyable prestation dans Ghost world et la réalisation de quelques épisodes des Sopranos. On aurait quasiment pu l’oublier tant Lonesome Jim roule pépère sur une confortable deuxième voie que l’acteur-réalisateur n’a jamais quittée : modeste, chaleureux et bien senti, du cinéma de tendre loser aussi savoureux qu’un repas à la bonne franquette servi dans un bon restau de quartier. Déjà-vu certes, mais tellement maîtrisé et assumé que le film dissipe toute aigreur potentielle. A la manière d’un faiseur hollywoodien connaissant par coeur son numéro, Buscemi ne propose rien d’autre qu’une performance routinière, entre désinvolture douée et amour du confort. En résulte une vision bigrement carnée du réveil comateux sous la couette, les paupières collées. Franchement, on s’y croirait.
Jim n’est donc pas lonesome bien longtemps. Débarqué de New York les poches vides, le jeune homme revient la queue entre les jambes chez ses parents, gérants d’une petite usine et propriétaires anonymes d’un pavillon de lointaine banlieue, peuplés de marginaux sympathiques. Commence alors une douce déprime où la glande contamine à peu près tout, surtout le grand frère encroûté dans le patelin depuis toujours qui rate sa tentative de suicide. Petite onde de choc tout de même, qu’une rencontre charmante (Liv Tyler) va prolonger a minima. Ingrédients connus, on le répète, mais assemblés dans le bon sens. Il suffit d’une petite pichenette pour que le film avance sur des kilomètres de pellicules. Partisan du moindre effort, Buscemi a le génie de s’en faire un principe d’incarnation : plus le film est mou et plus il est drôle, plus il se complait dans la chronique ou l’histoire d’amour et plus il dérive sur autre chose, plus insaisissable qu’il n’y paraît.
Reste l’ode à la loose, véritable oriflamme, qui écharpe l’oeuvre toute entière. Buscemi s’en remet totalement à elle, souvent de manière un peu trop mécanique (comme le pittoresque de l’Amérique profonde), mais la malaxe tellement qu’elle s’avère presque solidifiée. L’image DV granuleuse mais sage permet cela justement, finement utilisée non comme instrument entomologique, mais comme un pétrin de boulanger. C’est par elle que jaillit la profonde modestie de Buscemi, sa façon de rien vouloir sublimer ni caricaturer, mais finalement construire sur la convention et y rester quoi qu’il en coûte. Une fidélité qui porte ses fruits, notamment à travers une séquence fabuleuse, où enfin enthousiaste, l’équipe de basketeuses de Jim marque son premier panier de l’année. Liesse et optimisme. Avant qu’une ellipse ne dévoile le score resté intact jusqu’à la fin et que la caméra ne saisisse une poignée de têtes basses. On confirme, Steve Buscemi est vraiment sympa, comme son film.