On a vu souvent Europacorp chasser sur les terres de genres très codés, très datés, pour en ramener des trophées plus ou moins glorieux (les sympathiques Banlieue 13 ou Ong-bak, les pâles Trois enterrements ou Danny the dog). Manquait encore l’opus inspiré qui ose empoigner ses références avec ludisme, sans posture second degré de petit malin. C’est le cas de Lock out : son horizon est celui des blockbusters d’anthologie et des spécimens B des années 80, de ceux dont les suites sortaient directement en VHS. Avec son ouverture en forme d’interrogatoire musclé entre Peter Stormare et le musculeux Guy Pearce, le film happe d’emblée les vieux rats de vidéoclubs, leur promettant un gloubi-boulga nostalgique apte à embrigader, dans la foulée, l’enfant des années Michael Bay.
Outre son généreux brassage, le film est précieux pour cette ubiquité : grosse machine élastique, Lock out se contorsionne entre la série B un peu bas-de-plafond (Fortress), l’efficacité moderne de l’école Bay (il n’en retient que la vélocité) et la classe étudiée de modèles plus nobles (Carpenter, auquel il ne cherche heureusement pas à se mesurer mais qui est explicitement cité). En toile de fond, c’est le futurisme spongieux du tournant 80’s-90’s : dans un monde dystopique où règne le tout-orbital (les prisons, la police, les QG de barbouzes gravitent de concert autour du globe), une mutinerie éclate dans un bagne flottant. Un agent complètement badass, épinglé pour une bavure montée de toutes pièces, y est dépêché pour sauver la fille du président, psychiatre embarquée parmi les otages. Le canevas croise donc New York 1997 avec les standards de la SF carcérale (en vrac, Absolom 2022, Alien 3) et se pique de clins d’oeil multiples – le gouailleur Guy Pearce, surtout, officie comme pantin high-tech dont le corps noueux renvoie à quelques action heroes mythiques (Snake Plissken donc, mais aussi John McClane pour les traits d’esprit entre deux conduits d’aération). Signe criant de cette allégeance à un Hollywood révolu : la clope au bec, bannie par les néo-Hays, est ici réhabilitée comme totem de la galaxie 80’s – l’intérêt sans doute d’être produit en France.
Lock out aurait pu être à ce titre un rejeton vintage un peu ingrat, mais il atteint mystérieusement une sorte d’harmonie. Celle-ci tient probablement au déploiement méticuleux du film, qui avance étape par étape, transformant discrètement des personnages lambdas en figures oecuméniques (comme Maggie Grace, la psy-bimbo que le hasard grime avec malice en Ripley dégingandée). Plutôt que de tout jeter en pâture dans un joyeux foutoir – c’était le choix de Hell driver 3D, tellement assumé et subtil qu’on frisait un délire extatique -, on manipule ici les signes avec parcimonie, pour mieux louvoyer entre plusieurs tonalités et plusieurs humours (l’incorporation de scènes de ménage glamour dans le feu de l’action, constante intemporelle du cinéma d’aventure, n’avait pas suscité de vrais rires depuis longtemps). N’y voir aucun postmodernisme de brocante : loin de chercher le blockbuster de demain dans celui d’hier, Lock out démontre tout simplement qu’il reste un peu de bonne soupe au fond des vieux pots.